Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il me revient de vous exposer la position du groupe du RDSE concernant les conclusions de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de cette proposition de loi issue des travaux du Sénat.
Comme j’ai pu l’énoncer en première lecture, la France a été condamnée de nombreuses fois pour non-respect de la dignité des détenus : dix-neuf fois par la CEDH au titre de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui prohibe les traitements inhumains et dégradants. Aussi apparaissait-il urgent de faire cesser ces violations.
Toutefois, ne soyons pas dupes : l’adoption de cette proposition de loi ne mettra pas fin à la surpopulation carcérale, non plus qu’à des années d’abandon des prisons. Elle n’empêchera pas non plus l’entrée dans une délinquance profonde que peut provoquer un passage en détention. Elle ne permettra pas non plus de lutter contre l’insalubrité carcérale, qui touche près de trente-cinq établissements pénitentiaires français, selon l’Observatoire international des prisons. Pour cela, il faudra du temps et de la volonté politique. Nous y veillerons.
À ce terrible constat, s’ajoutait celui de l’impossibilité, dans notre droit, de signaler ces conditions et donc de les faire cesser. C’est là tout l’intérêt de cette proposition de loi. Je remercie le président de la commission des lois de l’avoir déposée. En créant un droit de recours effectif pour les prisonniers, ce texte permet à la France d’être en conformité avec ses engagements internationaux. C’est à ce titre que nous soutiendrons les conclusions de cette commission mixte paritaire.
Pour être efficace, ce recours devra nécessairement être rapide, ce que ne garantit pas le texte. Nous serons donc particulièrement vigilants quant à son application.
Enfin, la création de ce recours nous donne l’occasion de réfléchir plus largement à l’incarcération et à ses conséquences dans le parcours des délinquants. Pensons à d’autres types de peines, sans remettre en cause le principe de l’incarcération. Interrogeons-nous sur les causes de la délinquance et ses motifs, notamment quand un cinquième des détenus est incarcéré pour une infraction liée aux stupéfiants. Ne nous interdisons pas de regarder ce qui se fait ailleurs en Europe.
Je voudrais dire un dernier mot sur les mineurs incarcérés dans nos prisons. Même si la plupart d’entre eux sont détenus dans un des six établissements pénitentiaires spécialisés, beaucoup se trouvent dans les quartiers pour mineurs des prisons, où il n’est pas rare qu’ils subissent les mêmes conditions matérielles indignes et vétustes. Et que dire de l’intervention éducative continue quand les mineurs peuvent attendre plus d’un mois avant de voir un premier professeur ? Dans ces conditions, l’incarcération est bien loin de remettre les mineurs dans le droit chemin. Tout au contraire, elle peut les en détourner de manière durable.
Vous l’aurez compris, malgré ces interrogations, le groupe du RDSE approuvera les conclusions de la commission mixte paritaire.