M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’heure où l’on demande à nos collectivités de faire toujours plus d’économies, d’être toujours plus innovantes, les entreprises publiques locales sont bien souvent un outil de développement et de mutualisation incontournable.
Je ne rappellerai pas ici l’historique de la création des différents types d’entreprises locales ; je me contenterai de saluer le bon sens du législateur, et notamment du Sénat, qui a su, lorsque le cadre des SEM était devenu trop étroit, l’adapter en créant, en 2010, les sociétés publiques locales. Les membres du RDSE, par les voix d’Anne-Marie Escoffier et de Jacques Mézard, avaient alors pris leur part dans la proposition de loi qui avait été à l’époque adoptée à l’unanimité des deux chambres.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui, par la souplesse qu’elle permet de redonner à notre économie locale, repose sur un large consensus. Je tiens d’ailleurs à remercier notre collègue Loïc Hervé pour le travail mené en commission, qui nous a permis d’éclairer le texte sans aller au-delà de ce qui est strictement nécessaire, afin que les dispositions de cette proposition de loi soient rapidement adoptées et applicables sur nos territoires.
L’objectif est clair : il s’agit de contourner l’arrêt du Conseil d’État du 14 novembre 2018 Syndicat mixte pour l’aménagement et le développement des Combrailles. Celui-ci, parce qu’il impose aux collectivités actionnaires des SPL d’exercer l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de ladite société, assimile les EPL aux EPCI, créant ainsi une grande insécurité pour les 1 300 entreprises publiques locales dont, en France, nous disposons et gelant les projets en cours de création : insécurité juridique concernant la légalité des actes des SPL existantes qui ne répondraient pas au nouveau critère défini par le Conseil d’État ; risque d’émiettement et de dilution de l’action publique locale pour les SPL en cours de création, qui verraient leurs projets mis à l’arrêt.
Au-delà de ces considérations juridiques, l’entérinement de cette décision viendrait plonger les EPL et nos collectivités dans une insécurité économique. On mettrait fin aux efforts de mutualisation et aux économies de gestion qu’a permis la création de nombreuses SPL. On réduirait le nombre de collectivités autorisées à participer au capital et, de facto, le nombre de clients et le chiffre d’affaires des SPL.
Cette jurisprudence a par ailleurs un coût politique non négligeable, en ce qu’elle porte atteinte aux projets locaux et à l’apport des entreprises publiques locales au dynamisme de nos territoires.
Nous le voyons tous : à l’échelle locale, nos EPL rendent possible le lancement de projets à long terme, dans des domaines comme le tourisme, la culture ou l’aménagement. Elles sont le fer de lance de l’investissement et de l’innovation sur nos territoires et participent également à leur revitalisation. Dans les territoires touristiques, elles permettent une souplesse commerciale plus importante qu’en régie, régime dans lequel les élus se retrouvent confrontés à une lourdeur administrative qui les oblige parfois à délibérer sur le moindre petit acte commercial. Les SEM ou les SPL donnent une souplesse d’action et de réaction tout en préservant la maîtrise de la collectivité et la transparence de ses comptes, n’en déplaise à l’administration.
Les conseils départementaux, ayant perdu la clause générale de compétence avec la loi NOTRe, se verraient aujourd’hui privés également d’un grand nombre d’outils locaux indispensables à l’avenir de leurs territoires. Dans un département comme les Hautes-Pyrénées, où les collectivités sont obligées de pallier une initiative privée frileuse ou manquante dans des domaines essentiels à la vie économique de notre territoire, comme le thermalisme ou les sports d’hiver, ces organisations sont aujourd’hui nombreuses et confrontées au redécoupage territorial des communautés de communes et aux redéfinitions de compétences correspondantes.
Ces outils nouveaux ont démontré qu’ils pouvaient être de vraies réussites, en témoigne l’exemple de la SEM N’Py, pour « Nouvelles Pyrénées », qui, regroupant les huit principales stations de ski pyrénéennes, permet de mener une stratégie commerciale offensive et de mutualiser certains outils, donc de rationaliser les coûts de fonctionnement.
Pour en revenir au texte qui nous est présenté, la décision du 14 novembre est un non-sens unique en Europe. On considère les SPL comme des EPCI, alors que leur succès repose sur cette différentiation ! L’article 1er du texte de la commission, qui précise que la réalisation de l’objet de la société concourt à l’exercice d’au moins une compétence de chacun des actionnaires, permet de rétablir la souplesse voulue en 2010 s’agissant de l’actionnariat des SPL.
Enfin, puisque gouverner c’est prévoir, je me réjouis que l’objet de ce texte n’ait pas été limité aux seules SPL, mais ait été étendu à l’ensemble des entreprises publiques locales, SEM ou SPLA comprises. En effet, si la décision du 14 novembre se concentre sur les sociétés publiques locales, il y a fort à parier que, sans le travail que nous sommes en train d’effectuer, cette jurisprudence eût été élargie à l’ensemble des EPL, avec les conséquences juridiques, politiques et financières que l’on connaît localement.
Dans l’esprit qui le caractérise, le groupe du RDSE votera à l’unanimité pour ce texte d’une importance capitale pour le dynamisme de nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)