La crise sanitaire qui a frappé notre pays de plein fouet a mis en lumière les forces de notre système de soins, mais elle en a également relevé les faiblesses.
Pendant la lente décrue de la première vague de contaminations, le Gouvernement a annoncé l'initiative intéressante d'un Ségur de la santé qui doit permettre une évolution tant attendue de l'organisation de notre système de santé.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui a pour objectif de traduire le versant non financier des conclusions du Ségur, enrichi des propositions du rapport Claris sur la gouvernance de l'hôpital. Toutefois, le véhicule législatif utilisé et la préparation concomitante d'ordonnances par le ministère de la santé compliquent l'exercice et nous privent d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État.
Pour autant, la majorité du groupe RDSE, tout en entendant les raisons qui ont présidé à leur dépôt, n'a voté ni la motion tendant à opposer la question préalable ni la motion demandant le renvoi en commission, car poursuivre les débats sur des sujets majeurs tels que la gouvernance des hôpitaux, les coopérations, l'attractivité des carrières ou encore l'intérim permettra – j'en suis sûre – d'enrichir le texte. Tel est l'état d'esprit qui est le nôtre.
J'évoquerai en premier lieu les protocoles locaux de coopération. Le texte de la commission, dans son article 1er, revient au cadre juridique issu de la loi Santé de juillet 2019 et permet ainsi d'étendre ces protocoles aux professionnels de santé travaillant de manière coordonnée et hors établissement. Cette disposition répond aux besoins d'une médecine plus coordonnée au bénéfice du patient, en ville comme à l'hôpital.
La faible démographie médicale, mais aussi l'explosion des maladies chroniques, l'aspiration des jeunes à trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée et l'appétence pour l'exercice en équipe pluridisciplinaire, impliquent absolument et nécessairement l'évolution du champ des compétences des professionnels de santé.
Nous aurons à examiner de nombreux amendements relatifs aux sages-femmes et aux auxiliaires médicaux. Certaines propositions vont plus loin que d'autres, mais une seule philosophie doit nous guider : il faut améliorer et fluidifier le parcours du patient sans le détricoter. Le médecin généraliste est et doit en rester le pivot.
Le Ségur a également mis en évidence l'existence, bien antérieure à la crise du covid, d'une perte d'attractivité des métiers de la santé. Les hôpitaux et les structures médico-sociales peinent d'ailleurs à recruter.
La revalorisation légitime des salaires ne permettra pas seule d'y remédier. De bonnes conditions de travail, davantage d'effectifs dans les services, une gouvernance moins technocratique et plus médicalisée, une commission médicale d'établissement (CME) aux missions et au rôle renforcés, des recrutements simplifiés : telles sont les propositions du Ségur et du rapport Claris, dont certaines seront examinées dans cette proposition de loi.
Un sujet, en revanche, n'y est pas abordé, alors qu'il constitue une préoccupation forte des fédérations : il s'agit de l'asymétrie des contraintes et des rémunérations entre les carrières médicales publiques, privées ou associatives, et des freins à l'exercice d'un médecin sous différents statuts. Aussi, je proposerai d'y remédier en partie par la réintroduction de deux articles, dont l'article 14 bis qui, au-delà de la remise d'un rapport, permettra de ne pas enterrer trop précocement cette problématique.
S'il est un sujet dont la crise a relevé les limites, c'est bien celui de la gouvernance des établissements. L'article 5 consacré à l'organisation interne restaure la fonction de chef de service non pas en opposition, mais en complémentarité de celle de chef de pôle.
L'organisation des pôles doit absolument rester une possibilité pour chaque établissement. La création de chefs de service et de chefs de pôle adjoints améliorerait encore le fonctionnement de l'hôpital. Le groupe RDSE a déposé des amendements en ce sens.
Comment parler d'organisation sans évoquer les GHT ? Installés à marche forcée, leur fonctionnement est hétérogène. S'il n'est pas souhaitable d'imposer aux établissements de se rapprocher, les rapprochements méritent d'être encouragés, sur la base du volontariat.
L'article 9 de la proposition de loi ouvre le directoire de l'hôpital en prévoyant la possibilité pour le directeur de désigner des personnalités qualifiées. C'est à notre sens une bonne chose. Je regrette cependant l'exclusion des étudiants au sein de ce directoire.
Je terminerai en évoquant les abus de l'intérim médical qui pénalisent lourdement, à la fois, les finances et le fonctionnement de l'hôpital. Ce n'est plus acceptable aujourd'hui. Malgré la volonté exprimée en 2017 par le Gouvernement d'y mettre un terme, force est de constater que le problème perdure.
Il est devenu urgent de mettre fin à ces pratiques que je qualifierais de scandaleuses, et de permettre enfin l'application du plafond des rémunérations. L'hôpital ne peut pas et ne doit pas être une zone de non-droit dans laquelle certains professionnels imposeraient des exigences financières déraisonnables.
Cette proposition de loi se présente comme un patchwork de mesures qui s'expliquent par le destin singulier de ce texte, pensé avant la crise sanitaire puis saisi opportunément comme le moyen d'y intégrer quelques mesures du Ségur et tout ce qui ne rentre pas dans le champ des ordonnances. Suffira-t-elle à satisfaire les attentes ?
En tout état de cause, le groupe RDSE réservera son vote en fonction de l'évolution des discussions et émet le vœu que les mesures consensuelles issues du Ségur et du rapport Claris puissent trouver une traduction législative. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et INDEP.)