M. Bernard Fialaire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte vise à prévenir les faits de harcèlement scolaire et à améliorer leur traitement judiciaire, ainsi que la prise en charge des victimes.
Cette proposition de loi répond à une réalité douloureuse : chaque année, 700 000 élèves sont la cible d’intimidations, d’insultes, d’usurpation d’identité digitale ou encore de menaces en ligne.
En 2021, 20 enfants et adolescents victimes de harcèlement scolaire se sont suicidés. La dégradation du climat scolaire et les attaques contre la dignité des élèves harcelés, amplifiées par les réseaux sociaux, ne peuvent nous laisser sans réagir.
Aussi soutenons-nous les dispositifs prévus par le texte tels que la consécration du droit à une scolarité sans harcèlement, un renforcement des mesures relatives à la prévention de conduites à risques ou l’obligation de formation de l’ensemble des professionnels qui sont au contact des élèves.
Je salue également la volonté de créer une incrimination autonome pour les faits de harcèlement scolaire. Il ne s’agit pas d’une surenchère pénale ou d’une réponse disproportionnée : il est en réalité question de consolider un interdit social.
Bien que pour l’instant seulement symbolique, l’ajout par la commission du terme de « cyberharcèlement » dans l’intitulé de cette proposition de loi va également dans le bon sens : le harcèlement ne s’arrête pas à la sortie de l’école, devenant pour certains un calvaire sans répit.
J’aimerais toutefois revenir sur un acteur qui n’est selon moi pas assez évoqué : le témoin. Nous le savons, le harcèlement est bien souvent un phénomène de groupe, qui se nourrit d’une relation triangulaire entre victime, agresseur et témoins.
J’ai conscience que chaque individu, face au harcèlement, réagit avec sa sensibilité et son caractère propres, et que le silence peut éviter d’attirer l’attention de l’agresseur ; mais, que l’on soit victime ou témoin, la démarche reste la même : il faut parler.
Nous devons encourager la transformation du témoin passif, qui devient complice, d’une certaine façon, en témoin agissant, protégeant. Dans cette perspective, je souhaiterais que les formations de prévention des professionnels qui sont au contact des élèves se concentrent également sur l’identification des témoins.
Outre les témoins passifs et les témoins agissants, que je viens d’évoquer, on distingue aussi les témoins actifs qui, s’ils ne sont pas les meneurs des dynamiques de harcèlement, les encouragent ou y participent : ce sont des « collaborateurs », dans la triste acception du terme.
Ne fermons pas les yeux à leur égard : la lutte contre le harcèlement doit devenir une responsabilité partagée par tous. Je souhaiterais ainsi une révision des sanctions qu’ils encourent, ainsi que la création d’une dénomination juridique spécifique. Nier la complexité du harcèlement, c’est minimiser la souffrance des victimes et diminuer leur protection.
Lutter contre le harcèlement scolaire, c’est lutter contre la culture de la violence que nous voyons se développer, hélas ! dans tous les domaines.
Je ne reviendrai pas sur les violences qui visent des enseignants ou des élus, sur la violence qui prospère dans les stades et même sur les terrains – les contestations de décisions arbitrales par des stars du football harcelantes sont autant de mauvais exemples pour nos enfants. Que dire, même, du harcèlement verbal en quoi consistent certaines interviews journalistiques et qui devient la règle à la télévision ?
C’est pourquoi ce texte, malgré quelques fragilités relatives au rôle du témoin, est un pas de plus vers une scolarité apaisée. Le groupe du RDSE soutient cette proposition de loi essentielle pour consacrer la notion de respect – car c’est bien de cela qu’il s’agit. (Mme Colette Mélot applaudit.)