M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cher Joël Labbé – je le salue tout particulièrement –, quand le bon sens rencontre l'écologie et que tous deux se mettent au service des populations, cela donne une bonne proposition de loi. C'est le cas aujourd'hui avec ce texte du groupe écologiste, déjà adopté à l'unanimité en commission.
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Cette proposition de loi part d'un double constat.
D'un côté, 92 000 véhicules, dont une grande partie est classée Crit'Air 3 ou moins et se trouve encore en état de fonctionner, sont mis au rebut chaque année dans le cadre de la prime à la conversion.
De l'autre, 13,3 millions de Français sont confrontés à des obstacles dans leurs déplacements essentiels, dont 4,3 millions qui n'ont aucun équipement individuel, ni aucun abonnement à un service de transport collectif.
La précarité en matière de mobilité entrave la liberté de circulation, mais elle freine aussi l'accès à l'emploi. Elle aggrave la fracture territoriale, accentue l'isolement et favorise le renoncement aux soins. Elle contraint également une partie de la population à conserver son véhicule, même s'il est en mauvais état, ce qui a de lourdes conséquences en termes de dépenses de carburant, de coûts d'assurance, de réparations et de pollution.
Cette réalité est bien sûr encore plus préoccupante en zone rurale, où, malgré les efforts des collectivités pour renforcer l'offre de transports publics, la voiture demeure indispensable pour la plupart des trajets.
Avec cette proposition de loi, le Sénat, chambre des territoires, joue à plein son rôle.
La loi d'orientation des mobilités, votée en 2019, a attribué aux autorités organisatrices de la mobilité la compétence de l'organisation des services de mobilité solidaire.
Cependant, malgré l'engagement des collectivités et des associations, ces services de location de voitures pour les publics précaires peinent aujourd'hui à se développer. Le parc de véhicules demeure en effet trop restreint en comparaison des besoins ; de plus, il dépend essentiellement des dons, donc de véhicules anciens qui pèsent sur le plan environnemental.
Il n'est bien sûr pas question de remettre en cause la prime à la conversion, dont on estime qu'elle évite chaque année l'émission de 45 tonnes de particules fines et de 160 000 tonnes de CO2. Mais force est de constater qu'elle a grandement asséché le parc des garages solidaires et que certains véhicules mis au rebut sont moins polluants que de nombreuses voitures toujours en circulation.
Cette proposition de loi, adoptée avec modifications en commission, vise à réemployer des véhicules destinés à être détruits dans le cadre de la prime à la conversion, pour qu'ils soient mis à la disposition des plus précaires, au travers d'un service de location à tarif social.
Il s'agit d'optimiser le dispositif en récupérant les véhicules à moteur essence en bon état, classés Crit'Air 3 ou moins, pour élargir et rajeunir le parc à disposition des acteurs de la mobilité solidaire. On promeut une démarche décentralisée, fondée sur le volontariat des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), afin de répondre à un besoin local.
Plusieurs dizaines de milliers de véhicules pourraient ainsi voir leur durée de vie allongée, au profit de ceux qui en ont le plus besoin.
Le texte encourage une écologie pratique et concrète, au service des territoires et des plus précaires, de cette France éloignée des métropoles, qui se sent délaissée, abandonnée, menacée par des décennies de sous-investissement, de cette France des territoires où la voiture demeure indispensable et où il faut toujours accompagner les transitions, sans oublier personne au bord du chemin.
Les notions d'acceptabilité et de justice sociale sont cruciales quand il est question d'accélérer notre transition écologique.
C'est pourquoi, avec le prolongement des services express régionaux métropolitains, le leasing social sur les véhicules électriques et la prime à la conversion, le développement des services de location solidaire fait partie d'un écosystème visant à faire de la transition écologique des transports un phénomène d'inclusion sociale et économique, et non le ferment de nos fractures territoriales.
Pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, le groupe RDSE votera cette proposition de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, GEST et SER. – Mme Nadège Havet applaudit également.)