Mme Nathalie Delattre. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, au cours des dernières décennies, portées par des valeurs de liberté et d'égalité, les relations affectives ont fait l'objet d'une attention accrue, au point de se voir reconnaître une place à part entière dans la pratique du droit.
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Ainsi, il revient désormais au législateur d'offrir les moyens nécessaires pour que les séparations des couples de parents soient le moins nuisibles possible pour les enfants.
Nous devons tout particulièrement veiller à ce qu'elles ne soient pas dévastatrices pour les relations affectives de l'enfant avec l'un et l'autre de ses parents.
Dans la continuité de la Convention internationale des droits de l'enfant, notre législation nationale vise l'équilibre et la recherche systématique de l'intérêt de l'enfant.
Le Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) y est sensible depuis longtemps.
En effet, dès 2014, lors de l'examen de la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, notre groupe avait défendu un dispositif, adopté par le Sénat, qui tendait précisément à favoriser un partage plus équilibré des responsabilités parentales. Nous sommes également nombreux, au sein de notre groupe, à suivre des collectifs engagés sur cette question, notamment SOS Papa.
Aussi, je tiens à souligner l'intérêt, sur le plan humain, qu'a suscité cette proposition de loi et je salue son auteure, notre collègue Élisabeth Doineau, que je remercie de son initiative.
Ce texte se compose de trois articles, dont deux ne posent pas de difficultés majeures.
L'article 1er énonce le principe du maintien des relations de l'enfant avec ses deux parents. Il prévoit d'ajouter la notion d'« entretien régulier » pour définir les relations que les parents doivent maintenir avec l'enfant. La portée juridique d'un tel ajout est assez limitée. Toujours est-il que la précision ne nuit pas et qu'elle est bienvenue.
L'article 3 prévoit, quant à lui, la prise en considération des « pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'enfant », lorsque le juge se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. C'est un ajout important et je m'étonne que cette précision ne figure pas déjà dans la loi.
J'en viens à l'article 2 – là où réside, à notre sens, la difficulté. Selon la rédaction initiale, le juge était tenu d'ordonner la résidence alternée, dès lors que l'un des parents au moins le demandait.
La résidence alternée peut se présenter comme une solution idéale, tant pour les parents que pour l'enfant. Encore faut-il qu'elle soit possible matériellement pour les parents et, surtout, qu'elle ne nuise pas à la vie sociale, familiale et scolaire de l'enfant.
Les situations sont trop variées pour apporter une réponse automatique. En conséquence, nous devons faire confiance aux juges, qui doivent savoir déterminer, au regard de chaque histoire, où se situe l'intérêt de l'enfant et, par là même, celui des parents.
La commission des lois, sous l'impulsion de la rapporteure, dont je salue le travail, a donc eu raison de corriger ce dispositif.
Désormais, l'article 2 ne prévoit qu'une forme d'incitation pour le juge à recourir au droit de visite et d'hébergement élargi, en rappelant la nécessité pour chaque parent d'entretenir régulièrement des relations personnelles avec son enfant.
Cette modification atténue amplement l'ambition, voire l'intérêt du texte, mais elle est l'expression d'un compromis.
Nous voterons cette proposition de loi, car nous souscrivons à ses objectifs et à sa philosophie, mais sans franche certitude quant à sa portée future. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP.)