M. Christian Bilhac. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les tensions actuelles sur le prix de l'énergie nous rappellent combien il est primordial, pour un État, de rester maître de ses capacités de production et d'assurer sa sécurité d'approvisionnement. Cette expérience n'est malheureusement qu'un avant-goût des difficultés qui apparaîtront à l'avenir et s'aggraveront en l'absence de transition énergétique européenne volontariste.
Les barrages hydroélectriques, qui fournissent environ 13 % de la production électrique, constituent des ouvrages indispensables pour accompagner le développement de l'offre de production d'énergie renouvelable, notamment dans le cadre d'une démarche de diversification de notre mix énergétique. Rempart à l'intermittence des énergies renouvelables, ils contribuent à préserver la stabilité de notre système électrique.
On notera aussi que plusieurs barrages successifs ont été aménagés sur certains cours d'eau, ce qui implique de garantir une coordination de la gestion de ces ouvrages et d'éviter le morcellement des concessions.Cependant, comme cela a été évoqué dans l'exposé des motifs de ce texte, il nous faut considérer, au-delà de la fonction première de production d'énergie, les autres missions remplies par les barrages, comme celle d'écrêteurs de crues, en particulier dans les régions méditerranéennes subissant des épisodes cévenols, sans oublier leur rôle dans l'irrigation agricole ou encore leur fonction de régulateur de niveau des nappes astiennes, qui alimentent en eau potable des bassins entiers de population. Ces barrages remplissent aussi, dans un grand nombre de régions, un rôle économique et attractif en matière d'activité touristique.
C'est pourquoi je tiens à vous faire part de ma vive inquiétude quant à l'avenir de ces installations hydroélectriques. Il ne faudrait pas que l'aménagement et l'attractivité des territoires soient négligés, au profit d'une logique de rentabilité de court terme, au détriment de l'intérêt général.
Je ne me fais pas d'illusion quant à l'issue du vote sur ce texte que j'ai cosigné. Il nous faut néanmoins demeurer attentifs à l'ensemble des enjeux.
La ressource en eau ira se raréfiant en raison du réchauffement climatique et nous pourrions connaître demain des périodes de pénurie. C'est l'une des causes de l'emballement de la crise énergétique qui sévit en ce moment même, avec la baisse de la production des centrales hydroélectriques en Chine, du fait de la sécheresse.
Lors du renouvellement des concessions, il nous faudra donc être particulièrement vigilants dans la rédaction des cahiers des charges. Faudrait-il pour cela placer les concessions en quasi-régie ? Cette solution aurait le mérite d'éviter leur mise en concurrence. Toutefois, elle provoque l'inquiétude des collectivités, souvent rurales, qui gèrent ces équipements via des sociétés d'économie mixte : elles perdraient ainsi des ressources non négligeables.
Je le rappelle, le projet Hercule prévoyait la mise en quasi-régie des concessions d'EDF. Il serait utile de poursuivre l'exercice, réalisé en 2013, par les députés Battistel et Straumann dans leur rapport d'information sur l'hydroélectricité. Ils évaluaient la mise en quasi-régie des concessions d'EDF à 1,15 milliard d'euros net, ce qui constituerait un coût acceptable s'il permettait à l'État de garder la maîtrise.
Détermination du prix de l'Arenh, réorganisation du groupe EDF, renouvellement des concessions, toutes ces réformes sont intimement liées. Jusqu'à présent, la France a tenu bon et préservé les barrages de la mise en concurrence. Cela ne va pas sans difficulté, dans la mesure où les investissements requièrent de la visibilité, raison pour laquelle ils sont à ce jour bloqués.
Dans tous les cas, il est urgent de tracer une nouvelle voie et d'impliquer les parlementaires dans cette décision, au regard de l'impact qu'elle peut avoir sur la politique énergétique de notre pays. La France n'est pas isolée, d'autres États membres de l'Union européenne ont fait l'objet de mises en demeure par la Commission européenne pour non-respect des règles de mise en concurrence, preuve supplémentaire du caractère éminemment stratégique de cette filière, qu'il est impératif de préserver face aux lois du marché et de réguler à l'issue d'un débat parlementaire.
Pour ma part, je voterai cette proposition de loi, certes imparfaite. Toutefois, la majorité des membres du RDSE voteront en leur âme et conscience, sans suivre forcément ma position. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)