Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dans son rapport rendu en novembre dernier, Violences sexuelles faites aux enfants : « On vous croit », la Ciivise souligne la difficulté des victimes à être entendues. Seule une victime sur dix révèle les violences au moment des faits, et sur 160 000 enfants victimes de violences sexuelles chaque année, seuls 19 % des cas donnent lieu à une plainte, cette proportion n'étant que de 12 % en cas d'inceste.
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Concernant les violences sexuelles faites aux femmes, ça ne va pas mieux. Une étude du ministère de l'intérieur dévoilée en décembre 2023 indique que seules 5 % des femmes se déclarant victimes de violences sexuelles, dont la moitié connaissait leur agresseur, avaient déposé plainte en 2021.
Il ne s'agit pas de dresser un bilan à charge tant sont réelles les difficultés que rencontrent les acteurs de la lutte contre les violences intrafamiliales à identifier les cas et à protéger les victimes, qui, souvent, craignent pour leur sécurité, celle de leurs enfants, voire celle de leurs agresseurs.
Il nous faut saluer l'action du législateur et des pouvoirs publics tout en gardant à l'esprit l'ampleur des travaux que nous devons continuer à mener.
La réponse pénale est l'un de ces chantiers. Elle doit en effet évoluer et s'adapter afin de toujours mieux protéger les victimes. Le texte que nous examinons aujourd'hui vise à prolonger cette politique volontariste d'aide et de protection des victimes.
Je me réjouis que, sur la quasi-totalité des articles, la navette parlementaire ait permis d'aboutir à un texte commun entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Toutes ces mesures vont dans la bonne direction. Je salue le travail de notre rapporteure, que je remercie, ainsi que le travail de ceux qui sont à l'origine de ce texte.
Mon groupe émet toutefois une réserve importante quant à la version de l'article 1er adoptée par la commission des lois du Sénat. Je crains que notre Haute Assemblée ne se méprenne si elle décidait de maintenir cette version.
Chacun, dans cette assemblée, cherche à défendre l'intérêt des enfants. Si nous discutons le dispositif de l'article 1er, nous ne remettons nullement en cause le dévouement de notre rapporteure sur ce sujet ô combien difficile. Nous n'en demeurons pas moins favorables à la rédaction proposée par l'Assemblée nationale. Nathalie Delattre défendra donc tout à l'heure un amendement visant à rétablir cette rédaction.
De fait, je ne vois pas de difficulté à ce que la suspension de l'autorité parentale soit effective jusqu'à l'obtention d'un jugement définitif sur les faits incriminés, dès lors qu'un recours auprès du juge aux affaires familiales reste possible pour le parent mis en examen.
Je comprends l'inquiétude de notre rapporteure quant à la longueur des procédures pénales, mais le délai maximal de six mois ne me paraît pas pertinent au regard des faits dont le parent est soupçonné d'être l'auteur, et dont la gravité emporte une possible mise en examen.
Le groupe RDSE attendra l'examen des amendements pour arrêter définitivement sa position, mais il pourrait être favorable à cette proposition de loi qui rejoint et complète l'arsenal législatif protégeant les victimes de violences intrafamiliales. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. - Mme le rapporteur applaudit également.)