On ne peut le nier, notre pays n'est plus le leader qu'il était dans les années 1950, quand ses acteurs dominaient encore 60 % du marché. Néanmoins, selon les classements, il se maintient à la quatrième ou sixième place. Dans un monde de plus en plus ouvert, ce peut être le signe d'une vitalité à soutenir.
Doit-on juger la valeur d'une place à l'aune des transactions les plus folles qui se croisent entre New York, Londres et Pékin ? En 2019, le Rabbit, un lapin d'acier de Jeff Koons, vendu à plus de 91 millions de dollars, n'a sans doute pas manqué à lui seul de doper le marché américain !
La même année, la France vendait presque autant de lots que l'Oncle Sam. Le volume est un indice tout aussi important que la valeur, d'autant que la formation des prix de l'art conserve sa part de mystère. Et je ne parlerai pas des scandales qui entachent régulièrement certaines grosses transactions…
La France conserve ses atouts majeurs : une longue histoire, un patrimoine riche et solide et une politique muséale, qui participent de l'attractivité du marché de l'art. Chaque facette est complémentaire de l'autre, au point que les commissaires-priseurs se définissent bien souvent comme des passeurs de l'histoire.
J'en viens ainsi à la proposition de loi, qui concerne en particulier le secteur des ventes volontaires aux enchères publiques, dont les commissaires-priseurs sont les premiers acteurs.
En première lecture, le groupe RDSE avait approuvé le texte déposé par notre collègue Catherine Morin-Desailly, qui vise principalement à modifier le système de régulation de ces ventes. À ce stade, il apparaît qu'un équilibre a été trouvé avec nos collègues députés pour redonner du souffle au Conseil des maisons de vente.
Une majorité de professionnels en son sein, plus de diversité territoriale, un pouvoir disciplinaire exercé par un organe distinct, la commission des sanctions : toutes ces dispositions vont dans le bon sens.
La commission des lois semble se satisfaire de l'évolution de la proposition de loi, qui par ailleurs prend acte du nouveau statut de commissaire de justice.
Mon groupe se range à son avis. Nous comprenons bien aussi que ce texte ne représente qu'un seul volet des politiques de soutien au marché de l'art. Aujourd'hui, j'en évoquerai un autre : la fiscalité liée aux œuvres d'art.
Mettre en place une fiscalité attractive pour encourager la circulation et l'acquisition des œuvres est un outil intéressant, à deux conditions. La première est de mesurer régulièrement l'effet concret des dispositifs fiscaux qui profitent tant aux entreprises qu'aux particuliers. La seconde, essentielle, est de vérifier que la fiscalité applicable aux œuvres d'art ne constitue pas seulement un effet d'aubaine pour certains contribuables et que les conditions de son recouvrement ne conduisent pas à des évaluations discutables. Monsieur le garde des sceaux, ce volet mérite réflexion.
Par ailleurs, il a manqué dans la discussion de ce texte un plus grand débat sur le rôle qu'auront à jouer dans le futur de l'art les NFT. Ces jetons non fongibles sont les certificats de propriété d'une œuvre numérique. Alors que nous allons par cette proposition de loi en faciliter les enchères, nous devons nous interroger sur l'apport à l'humanité des produits de la blockchain et de l'économie immatérielle.
À l'heure où la France et le monde doivent redoubler d'efforts pour sauver la planète, cette économie du vide doit nous alerter. Conscients des limites planétaires, allons-nous créer de la richesse pour créer de la richesse, sans nous interroger sur les effets sur l'environnement de nos actions ?
Lorsqu'il a prêté la Joconde aux Américains en 1963, le président Pompidou a rappelé que la possession de chefs-d'œuvre imposait de grands devoirs. L'amélioration des outils du marché de ventes aux enchères en fait partie, les maisons de vente constituant une belle vitrine pour le rayonnement culturel de la France dans le monde.