M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi de notre collègue Nathalie Delattre, cosignée par tous les membres du RDSE et inscrite à l'ordre du jour de notre premier espace réservé de l'année, a pour objet de s'attaquer à une réalité malheureusement vécue par un nombre croissant d'élus.
Plus de 1 000 agressions ont été recensées en 2021 contre des personnes titulaires d'un mandat électif, en majorité des maires et des adjoints, probablement parce que, vitrines de notre République, ils sont en première ligne.
Au Sénat, chambre des territoires, ce phénomène d'ampleur croissante est malheureusement bien connu. Chacun d'entre nous peut citer le cas d'un élu victime d'agression ; pour certains, même, l'histoire est personnelle et le traumatisme vivace.
Je pense, pour ce qui est de mon département, au maire de Lussat, roué de coups, le matin même de l'ouverture du Congrès des maires, par un automobiliste à qui il demandait de rouler moins vite. Je pense aussi à la maire de Valbeleix, qui, lors d'une cérémonie, a reçu des menaces de mort pour une histoire de conflit de voisinage, ou à deux autres maires du département, qui ont vu leur maison personnelle taguée d'insultes et de menaces et leur famille plongée dans un état de stress et d'insécurité intolérable.
Il n'est pas un jour sans que celles et ceux sur qui repose le bon fonctionnement de nos institutions subissent une défiance qui s'exprime trop souvent par la violence. Dans certaines communes, il n'est même plus rare que tel ou tel membre de la famille d'un élu fasse lui aussi l'objet d'incivilités, de menaces et de violences, du simple fait d'être son conjoint ou sa conjointe, son fils, sa fille, son père ou sa mère.
Il semble que l'on ait enfin pris la mesure de la dégradation des conditions d'exercice des mandats. Le constat est unanime, et certaines dispositions ont même été adoptées en conséquence. Mais la réalité demeure inacceptable et appelle à des actions supplémentaires.
La proposition de loi de Nathalie Delattre prévoit ainsi de répondre à une demande de l'Association des maires de France, qui souhaite étendre la possibilité, déjà accordée à ses antennes départementales, de se constituer partie civile au pénal pour soutenir, avec l'accord de celui-ci, un élu victime d'agression. Le champ des infractions concernées serait également étendu, afin de mieux prendre en compte la diversité des situations vécues sur le terrain.
Rappelons que, d'après la consultation lancée par le Sénat en 2019, les agressions d'élus sont très peu nombreuses à faire l'objet d'une plainte, et encore moins nombreuses à donner lieu à une condamnation. Le manque d'accompagnement est un frein majeur identifié par les élus, notamment dans les plus petites communes.
Les associations d'élus, qui disposent de l'expertise et des ressources nécessaires, semblent bel et bien les mieux placées pour épauler ceux qui souhaitent porter plainte et exercer tous les droits reconnus à la partie civile du point de vue de l'accès au dossier et du soutien global apporté à la victime.
Il semble donc justifié d'étendre le champ de cette possibilité pour donner plus de poids aux procédures enclenchées, pour permettre à l'AMF de recouvrer les sommes engagées dans le cadre de la défense des élus agressés et pour inciter les autres associations d'élus à mettre en place des accompagnements ciblés analogues.
Faisant le constat que le service public s'apparente, pour une part croissante de la population, à un simple bien de consommation courante, j'avais souhaité renforcer la législation en déposant, en 2019, une proposition de loi visant à lutter contre les incivilités, menaces et violences envers les personnes dépositaires de l'autorité publique, chargées d'une mission de service public ou investies d'un mandat électif public.
Je déclinerai une partie des mesures de ce texte au travers de trois amendements, dont l'adoption pourrait utilement compléter les dispositions dont nous débattons ce soir.
L'absence d'action forte face à de telles situations accroît évidemment le sentiment d'abandon et de découragement que ressentent les élus, notamment en zone rurale, où la réponse est insuffisante en matière de constatation des infractions, de conduite des enquêtes, de durée des procédures, de délai de rendu des décisions.
Les débats qui vont suivre nous permettront, je l'espère, d'améliorer la situation de ceux qui sont dans l'attente légitime d'une solution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Joël Guerriau et Guy Benarroche applaudissent également.)