By Sandra on mardi 4 juin 2024
Category: TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France

M. Raphaël Daubet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je salue l'accord auquel est parvenue la commission mixte paritaire, qui conclut nos travaux parlementaires sur ce texte de loi très important pour notre démocratie.

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Nous faisons face à un phénomène méthodiquement pensé, à la fois aiguisé et insaisissable : ingérences économiques, ingérences sociales et politiques, espionnage industriel et scientifique sont le fait de notre époque, un temps où les réseaux sociaux, la mondialisation, l'hypermédiatisation et l'hypercommunication ont créé les conditions favorables à la multiplication des cyberattaques et des manœuvres de tous ordres visant à influencer l'opinion publique. Un nouveau champ de bataille est ainsi apparu.

Mais, au-delà de cette dimension temporelle, on redécouvre, au fond, une réalité vieille comme le monde. Ces malveillances s'appuient, dans leur principe, sur les mêmes ressorts que la propagande d'autrefois et les endoctrinements ou campagnes de désinformation que le monde a toujours connus ; souvent, elles reposent sur le même vieil adage, « diviser pour mieux régner ». En définitive, l'« affiche rouge » de 1944 n'est pas si éloignée des « mains rouges » de 2024.

La vérité, c'est que nous avions créé des espaces de paix, à l'échelle de nos démocraties, à l'échelle de l'Europe, parfois au-delà. Or ces espaces ne sont plus protecteurs : ils sont devenus perméables aux agressions extérieures. L'existence de telles agressions est désormais amplement prouvée, et, malheureusement, il ne s'agit plus d'un phénomène marginal.

Chacun peut comprendre qu'un destin national soumis à des ingérences étrangères cesse d'être totalement dans nos mains.

Cette proposition de loi est un premier pas, qui contribuera d'ores et déjà à mieux nous protéger, en renforçant nos exigences de transparence et nos moyens d'action. Il nous faudra créer demain des espaces de paix nouveaux, y compris dans les horizons numériques. La commission d'enquête sur les influences étrangères, dont je suis membre, apportera un éclairage complémentaire sur cette menace, qui permettra d'enrichir encore notre arsenal législatif.

Oui, il faut donc légiférer, mais je ne suis pas sourd aux mises en garde de certains de nos collègues. Au contraire, je crois que la vraie difficulté est là : jusqu'où peut-on aller sans empiéter sur les libertés fondamentales ? Le groupe RDSE veillera toujours à ce que l'on fasse évoluer ce cadre législatif avec beaucoup de discernement et de prudence. Nous considérons cependant que l'expérimentation de la technique dite de l'algorithme, en l'espèce, est acceptable.

La transparence, quant à elle, devrait s'opérer via la constitution d'un répertoire, tenu et rendu public par la HATVP. Cette mesure est la bienvenue, et je souscris à la nécessité de laisser un délai supplémentaire à la Haute Autorité pour se renforcer en moyens humains et matériels.

Pour conclure, permettez-moi d'insister sur l'alerte lancée par ma collègue Annick Girardin sur la vulnérabilité particulière de nos outre-mer. On a vu les tentatives de déstabilisation en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte, en Polynésie française. Notre groupe le redit : les territoires d'outre-mer, en particulier, sont insuffisamment sécurisés alors qu'ils sont une porte d'entrée sur la totalité des réseaux publics français.

Ces événements récents nous ramènent enfin à une réalité encore plus cruelle : les ingérences étrangères tirent leur force de nos propres faiblesses.

La moindre faute politique, la moindre erreur d'appréciation, le moindre mouvement social offre à nos adversaires une occasion supplémentaire de nous déstabiliser. C'est dire, au-delà de ce texte, si notre responsabilité est grande dans cette lutte. (M. Rachid Temal et Mme Nathalie Goulet applaudissent.)