M. Stéphane Artano. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, donner une famille à un enfant qui en est privé, quelle qu’en soit la raison : voilà un objectif qui ne peut que rassembler les parlementaires et recueillir l’engouement, si ce n’est l’assentiment, des acteurs œuvrant pour la protection de l’enfance.
S’il est urgent de faciliter les adoptions, il faut aussi que le désir d’avoir un enfant se plie au principe de l’intérêt supérieur de ce dernier.
Malgré les désaccords qui ont pu perdurer au cours de la navette parlementaire, la protection de l’enfant a été au cœur de nos débats. Plusieurs mesures vont dans le bon sens.
Ne peut être qu’encensée l’extension de l’adoption conjointe par un couple non marié, qui adapte enfin notre droit à la diversité et à l’évolution des cellules familiales. De même, prendre en compte une durée de vie commune plutôt qu’une durée de mariage correspondra mieux à la réalité des couples actuels, le mariage ne garantissant pas plus de stabilité ou de sécurité que le concubinage.
La préparation à la parentalité des futurs adoptants va également dans le sens de l’intérêt de l’enfant. La généralisation, dans tous les départements, de l’obligation de formation au profit des membres du conseil de famille était très attendue. De manière générale, toute aide à la parentalité, moment compliqué pour tous les parents, adoptants ou non, ne peut être que bénéfique.
Enfin, nous apportons tout notre soutien à l’amélioration du statut des pupilles de l’État.
En ce qui concerne l’interdiction de l’accueil direct d’enfants en France par les OAA, il n’est pas certain que cette mesure ne vienne pas freiner les adoptions.
Je tiens à saluer l’esprit constructif de la commission des lois, qui a consenti de nombreuses concessions, comme Mme le rapporteur l’a rappelé. Nous nous opposons néanmoins à la suppression de l’article 9 bis visant à établir la filiation de la mère d’intention dans le cas d’une AMP réalisée à l’étranger avant l’entrée en vigueur de la loi relative à la bioéthique. Nous soutiendrons donc l’amendement du Gouvernement.
Il est incontestablement dans l’intérêt de l’enfant que la deuxième personne puisse l’adopter, y compris si la mère biologique s’y oppose. Même si elle n’a pas porté l’enfant, elle dispose le plus souvent d’un vécu commun avec ce dernier, dans le cadre d’un projet familial conçu à deux. Des conflits entre adultes n’ont à avoir de répercussions ni sur la filiation, qui constitue un acte social, ni sur les liens affectifs.
Cette disposition reste encadrée, puisque son application requiert une opposition de la mère biologique « sans motif légitime ». Il reviendra au juge de statuer au cas par cas, dans l’intérêt de l’enfant. Faisons-lui confiance !
Dans son rapport public thématique intitulé La protection de l’enfance – Une politique inadaptée au temps de l’enfant, publié en 2020, la Cour des comptes dénonçait l’empilement des délais qui se cumulent en matière de protection de l’enfance. Elle exprimait notamment ce regret : « Dans les faits, et bien que les outils existent, le devenir à long terme de l’enfant protégé est donc rarement pris en compte en France, où la priorité est celle du maintien des liens avec les parents à tout prix. »
Finalement, il s’agit plus d’un texte d’ajustement que d’une réforme globale qui aurait permis d’accélérer la prise en charge de ces nombreux enfants privés d’un cadre de développement affectif sécurisant et stable, dont la vie est en suspens et qui caressent des années durant l’espoir d’intégrer une famille.
Le parcours du combattant des adoptants ne sera pas plus allégé, laissant les enfants dans une longue période d’incertitude. Pour que l’enfant puisse être adopté, encore faut-il qu’il soit adoptable.
Certes, il ne faut pas précipiter les choses en toutes circonstances, mais il n’est pas inutile de les simplifier lorsque les conditions sont réunies. Surtout, il convient de consacrer à cette politique les moyens qu’elle mérite.
La proposition de loi entendait favoriser le recours à l’adoption comme outil de protection de l’enfance. Y parviendra-t-elle ? S’il est permis d’en douter, les quelques avancées contenues dans la proposition de loi conduiront très certainement le groupe RDSE à la voter, en fonction toutefois du sort qui sera réservé à l’article 9 bis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)