C'était en 1949 et, aujourd'hui encore, le droit à l'avortement est régulièrement remis en cause dans le monde. On le constate notamment en France, quarante-sept ans après sa légalisation, ce qui est bien sûr préoccupant.
Alors que le Parlement européen vient d'élire à sa tête une femme farouchement hostile à l'avortement, il me semble plus qu'indispensable de réaffirmer ce droit (Mme la ministre opine du chef.) pour que les femmes puissent, en leur âme et conscience, mettre un terme à une grossesse non désirée dans des conditions sereines.
À cet égard, le Président de la République a proposé ce matin un geste fort : l'inscription du droit à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ne pas élire à la tête du Parlement européen une femme hostile à l'avortement aurait été encore mieux.
Certes, de nombreuses améliorations ont été apportées ces vingt dernières années – délai de recours porté de dix à douze semaines de grossesse en 2001, gratuité en 2013, suppression du critère de « situation de détresse », renforcement du délit d'entrave en 2014, pour ne citer que quelques-unes de ces avancées.
Pour autant, les médecins, les professionnels de santé, les travailleurs sociaux, les responsables des plannings familiaux, bref, tous les acteurs concernés nous font régulièrement part de leurs inquiétudes quant aux difficultés d'accès à l'IVG : désinformation, discours culpabilisant, refus des prises en charge tardives, sous-valorisation de l'acte, disparités territoriales du fait, notamment, d'une diminution du nombre de professionnels.
En 2013 déjà, le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes alertait face à la fermeture de plus de 130 établissements pratiquant l'IVG. Dans ces conditions, les zones rurales voient évidemment le nombre de services d'orthogénie se réduire peu à peu.
Au pays de Simone Veil, les obstacles sont malheureusement toujours aussi nombreux. C'est dans cet esprit que la proposition de loi dont nous débattons cette après-midi – ou, plus précisément, dont nous aurions pu débattre – a été déposée : il s'agit d'améliorer l'effectivité du droit à l'avortement en allongeant les délais légaux de douze à quatorze semaines et en supprimant la clause de conscience spécifique.
S'agissant de l'allongement des délais légaux, je note avec satisfaction que, selon le CCNE, il n'y a pas d'objection éthique à allonger le délai d'accès à l'IVG de deux semaines. À son sens, il n'y a que « peu, voire pas de différence entre douze et quatorze semaines de grossesse ». Il estime toutefois que cet allongement ne doit pas servir à pallier les défaillances de notre politique publique de santé reproductive.
Dans ces conditions, il est légitime de se demander si l'allongement du délai légal permettra réellement aux femmes d'accéder plus facilement à l'IVG. C'est pourquoi certains sénateurs de mon groupe se montrent assez réservés, craignant que cette mesure ne soit, en fait, une mauvaise réponse à un vrai problème.
Comme l'a rappelé notre rapporteure, l'allongement du délai légal ne constitue qu'une partie de la solution ; la refonte globale du pilotage de l'activité d'IVG et plus largement de notre politique de santé sexuelle et reproductive est essentielle.
J'en viens à la clause spécifique.
Je regrette que l'Assemblée nationale ait choisi, en deuxième lecture, de la rétablir. Si elle a été introduite en 1975, c'est pour satisfaire une majorité hostile à la dépénalisation de l'IVG : son maintien ne me semble plus pertinent dans le contexte actuel. Mme la rapporteure l'a rappelé : il restera toujours la clause de conscience générale, qui peut s'appliquer à n'importe quel soin, y compris l'avortement.
Les travaux de l'Assemblée nationale ont toutefois enrichi le présent texte, notamment en permettant aux sages-femmes de réaliser des IVG chirurgicales jusqu'à la quatorzième semaine de grossesse, en pérennisant l'allongement du délai de recours à l'IVG médicamenteuse en ville de cinq à sept semaines, en supprimant le délai de réflexion de deux jours ou encore en renforçant l'effectivité des sanctions auxquelles s'exposent les professionnels de santé qui refuseraient de délivrer un moyen de contraception d'urgence.
Mes chers collègues, que nous soyons pour ou contre l'allongement de deux semaines du délai légal, ce sujet méritait d'être débattu et examiné de manière très approfondie. C'est pourquoi, une fois de plus, le RDSE votera unanimement contre la motion ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes SER, CRCE et GEST. – M. Michel Dagbert applaudit également.)