Mme Maryse Carrère. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de débuter mon intervention par les mots de Portalis : « L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit ; d'établir des principes féconds en conséquences ».
Comme parlementaires, l'établissement de ces « principes féconds » doit nous guider, de sorte que nous devons sans cesse nous interroger sur l'applicabilité des lois que nous votons. Cette exigence nous oblige devant chaque texte de loi qui nous est présenté.
Si nous avons été habitués, ces dernières années, à la procédure accélérée, le temps législatif reste un temps long. Aussi, si nous votions ce texte, il ne fait aucun doute que son adoption définitive aurait lieu après le 31 décembre 2020, et donc après qu'aura cessé l'application du dispositif qu'il vient abroger.
Malgré cela, ce n'est pas la première fois que nous examinons des propositions ayant une forte portée symbolique. Ce débat est loin d'être vain, et je salue l'initiative de notre collègue Sophie Taillé-Polian, qui pourra ainsi entendre Mme la ministre exposer les intentions du Gouvernement sur le sujet.
Pour en venir au fond, le texte prévoit de mettre fin à la possibilité, ouverte par l'article 7 de l'ordonnance du 20 mai 2020, dans le contexte de crise que nous connaissons, pour un dirigeant d'entreprise de déposer une offre de rachat après avoir organisé le dépôt de bilan de son entreprise.
Le droit commun l'interdit pour plusieurs raisons. D'abord, dans un souci de moralité des affaires, il s'agit de ne pas permettre à un dirigeant d'organiser la faillite de son entreprise avant de la reprendre par la suite, délestée de ses dettes.
Ensuite, l'objectif est de lutter contre la fraude à l'assurance concernant le non-paiement des créances salariales.
L'article 7 visait non seulement à pallier l'absence de repreneurs et à prévenir les éventuelles conséquences sur l'emploi, mais aussi à soutenir les dirigeants d'entreprise qui ne sont en aucun cas responsables du contexte économique et de ses conséquences sur leurs carnets de commandes.
Dire que certains chefs d'entreprises ont profité du dispositif est une réalité. L'exemple de l'équipementier automobile lnteva Products, installé dans les Vosges, est criant. Même s'il m'incite à partager l'objectif de cette proposition de loi, je ne pense pas qu'il soit généralisable à l'ensemble des entreprises. Le choix de l'offre de reprise ne se décide pas d'un claquement de doigts, car le juge doit se prononcer pour celle qui permettra d'assurer le maintien de l'emploi et des activités, ainsi que l'apurement du passif.
Aux exigences du droit commun, prévoyant que le jugement sera rendu après avis des contrôleurs, s'ajoute la présence obligatoire du ministère public à l'audience, qui peut présenter ses observations et même interjeter appel.
Comme le prouve l'affaire de l'enseigne Camaïeu, le repreneur, fût-il l'ancien dirigeant de l'entreprise, n'acquiert pas automatiquement la reprise, preuve que la procédure n'est pas dépourvue de tout contrôle.
Néanmoins, l'exception permise par cette ordonnance doit en rester une, afin de protéger les salariés et les créanciers.
Face à la poursuite de la crise sanitaire et économique, il nous faut nous interroger sur les réponses que nous souhaitons apporter à ces situations de cession, qui perdureront après le 31 décembre 2020.
La mission d'information sur les outils juridiques de traitement des difficultés des entreprises nous aidera, je l'espère, à y voir plus clair et à apporter des solutions permettant de lutter contre les dérives observées.
Vous l'aurez compris, chers collègues, les membres du groupe RDSE partagent les constats des auteurs de cette proposition de loi, mais ils s'abstiendront majoritairement sur le texte. Ils restent en effet rassurés sur les intentions du Gouvernement de ne pas faire perdurer la mesure. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)