M. Henri Cabanel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà trente-quatre ans que l'idée d'un régionalisme ouvert est la priorité politique des nations sud-américaines. Voilà vingt-cinq ans que le mandat de négociation de cet accord est actif et que les discussions patinent. Et pour cause !
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Les parlementaires que nous sommes n'ont jamais cessé d'alerter les pouvoirs publics sur les zones grises de l'accord entre les pays du Mercosur et l'Union européenne.
Le groupe du RDSE est, depuis toujours, très préoccupé de la multiplication de ce type d'accord de libre-échange. La résolution adoptée par notre assemblée en 2018 sur l'initiative de Jean-Claude Requier appelait le Gouvernement à ne pas contribuer à la signature précipitée d'un accord déstabilisateur de l'équilibre des productions agricoles de nos territoires ruraux et ultramarins.
Dans un contexte géopolitique mettant en péril notre souveraineté alimentaire, la présente proposition de résolution est à son tour bienvenue. Elle met en lumière des préoccupations majeures et souligne des lacunes démocratiques, économiques et sociales, ainsi qu'au regard des exigences environnementales que la France s'est engagée à honorer dans le cadre de l'accord de Paris.
Le RDSE se joint donc aux signataires de cette proposition de résolution pour inciter le Gouvernement à maintenir une position ferme et juste.
Le 4 décembre dernier, Olaf Scholz appelait les dirigeants européens à faire preuve de « pragmatisme » pour trouver les termes d'un accord. De quel accord parlons-nous ? Quelles sont nos lignes rouges et quelles méthodes seront employées pour dialoguer avec les consommateurs et les agriculteurs ?
L'agriculture française représente une immense source de fierté. Notre production se distingue par son excellence, grâce à la qualité exceptionnelle de ses exploitations en matière sanitaire et environnementale. Bien que nous soutenions le multilatéralisme et la régulation du commerce international au travers d'accords de libre-échange, il est évident que l'accord de principe entre l'Union européenne et le Mercosur, tel qu'il a été envisagé en 2019, est loin d'être satisfaisant.
En cas d'accord, les parties doivent s'engager à respecter toutes nos préoccupations sans léser nos agriculteurs. Nos partenaires commerciaux doivent se conformer aux mêmes règles et obligations que nous pour garantir des échanges équitables.
Aussi, monsieur le ministre, quelles clauses miroirs vous engagez-vous à défendre pour continuer à commercer sans tuer la souveraineté agricole européenne ? Comment négocier le virage des transitions de sorte qu'elles garantissent la durabilité environnementale et économique de notre agriculture ? Quand allons-nous enfin entendre la voix du Président de la République affirmer à Bruxelles qu'un accord avec les pays du Mercosur n'est pas possible sans l'application stricte du principe de réciprocité ?
Pour le RDSE, l'accord n'est acceptable ni en l'état ni même après l'ajout de la déclaration additionnelle de la Commission européenne, qui contient des mesures environnementales non contraignantes.
La question des pesticides n'est, elle non plus, toujours pas réglée et soulève des inquiétudes légitimes. La quantité de pesticides épandue au Brésil est significativement plus élevée qu'en France et l'Union européenne n'a toujours pas clarifié sa position sur les procédures d'évaluation des limites maximales de résidus de produits phytosanitaires pour les importations. Nous demandons que des normes sanitaires et environnementales cohérentes avec nos valeurs soient préservées dans les accords de libre-échange.
Si nous profitons de cette tribune pour réaffirmer, très largement, notre désaccord sur le fond, nous n'oublions pas pour autant la méthode par laquelle la machine européenne se soucie du sort de nos agriculteurs. La Commission européenne a fait connaître son intention de séparer le volet commercial du reste de l'accord d'association pour, nous dit-on, accélérer sa mise en œuvre. Toutefois, cette démarche permettrait de solliciter une approbation par un vote à la majorité qualifiée du Conseil et ne nécessiterait pas l'assentiment des parlements nationaux.
La pratique de la Commission européenne de découper les accords pour isoler les dispositions relevant de sa compétence exclusive affaiblit considérablement l'assise démocratique de la politique commerciale commune. Elle entaille un dialogue absolument inaudible pour nos agriculteurs comme pour les consommateurs et bafoue le mandat de négociation que lui avait confié le Conseil en 2018.
Dois-je rappeler que le Ceta n'a toujours pas été ratifié par notre assemblée, de sorte que ses dispositions ne s'appliquent que de manière provisoire ?
Monsieur le ministre, quand allez-vous enfin associer les parlementaires, de façon continue, au processus de négociation des accords commerciaux ? Qu'attend le Gouvernement pour demander l'inscription du Ceta à l'ordre du jour du Sénat ?
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Henri Cabanel. Ainsi, mes chers collègues, vous l'aurez compris, le RDSE soutiendra toutes les initiatives parlementaires qui nous placent du côté des agriculteurs comme des consommateurs et qui honorent notre exception française en matière agricole.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Henri Cabanel. La présente proposition de résolution est fidèle aux principes que nous défendions en 2018 sur le même sujet.
Vous comprenez donc bien que nous voterons en sa faveur. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Michel Savin. Très bien !