Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la situation politique au Venezuela suscite de vives inquiétudes, tant elle réveille le souvenir d'une époque tragique, celle des « années de plomb » qu'avaient subies de nombreux pays d'Amérique latine au cours des décennies 1960 et 1970.
Alors que Caracas s'était démarquée en entamant dès 1958 une longue tradition démocratique, le régime actuel est accusé d'abuser de pratiques totalitaires que l'on espérait révolues sur le continent sud-américain.
Nous connaissons les conditions troubles dans lesquelles Nicolás Maduro a été réélu en 2018. Certains orateurs les ont rappelées. La France les a déplorées et c'est une bonne chose : le dirigeant vénézuélien a choisi non seulement de tourner le dos à la démocratie, mais aussi d'entrer en conflit ouvert avec une partie significative de sa population.
Amnesty International et le Conseil des droits de l'homme des Nations unies ont respectivement dressé un bilan sans appel des violences commises depuis 2014 au Venezuela : plus de 14 000 personnes auraient été arrêtées de façon arbitraire sous le motif officiel de « résistance à l'autorité » ; des centaines d'exécutions extrajudiciaires auraient été perpétrées en pleine rue ; les manifestations seraient réprimées et les opposants torturés par les forces armées spéciales, les FAES, créées en 2017.
Le climat intérieur est d'une telle violence que de nombreux Vénézuéliens choisissent l'exil. En cinq ans, plus de 4 millions de personnes ont officiellement quitté le pays.
En accueillant 1,5 million de réfugiés, la Colombie a largement ouvert ses frontières, mais la coopération entre pays voisins commence à se dégrader. Depuis l'été dernier, de peur d'être déstabilisés dans un contexte économique régional difficile, le Pérou, le Chili et l'Équateur ont entrepris de durcir leurs conditions d'entrées. Si les flux depuis le Venezuela se poursuivent, l'on ne pourra pas écarter le risque d'une crise globale.
Les auteurs de cette proposition de résolution le soulignent : dans ce cas de figure, nos territoires d'outre-mer présents dans cette aire géographique pourraient être affectés. C'est d'ailleurs déjà le cas de mon territoire, Saint-Martin, par ailleurs fragilisé par l'ouragan Irma. (M. Rachid Temal opine.)
En outre, soyons attentifs à ce qui se passe en Bolivie, avec la victoire contestée d'Evo Morales dimanche dernier. Madame la secrétaire d'État, je sais que le Gouvernement est parfaitement mobilisé sur ce dossier sensible, à l'instar de l'Union européenne.
Cela étant, revenons-en au Venezuela. Bien entendu, les élus du RDSE soutiennent toutes vos initiatives destinées à encourager la reprise du dialogue entre le gouvernement vénézuélien et l'opposition, ainsi que celles visant au rétablissement des libertés fondamentales. Toutefois, nous nous inquiétons des moyens de pression limités dont dispose la communauté internationale, surtout quand la Chine et la Russie, une fois de plus, refusent de suivre...
Tout d'abord – vous le savez, mes chers collègues –, la souveraineté des États étant protégée en droit international, toute ingérence directe doit être évitée.
En outre, nous constatons, hélas ! que l'indécence s'est invitée au sein de l'ONU, le 17 octobre dernier. En effet, le Venezuela est entré au Conseil des droits de l'homme de l'organisation, pour la période 2020-2022, alors que ce même conseil a diligenté, en septembre 2019, une mission d'enquête sur la violation des droits de l'homme au Venezuela.
Cette incongruité doit nous amener à nous interroger sur le fonctionnement des institutions multilatérales. Ces dernières ont besoin d'un minimum de crédibilité pour être efficaces, de surcroît dans un contexte où elles sont de plus en plus contestées.
Pour autant, il est utile de rappeler que le Venezuela a des engagements internationaux à honorer, en particulier la convention contre la torture, ainsi que le pacte international relatif aux droits civils et politiques.
L'intervention militaire est inenvisageable ; la pression onusienne demeure limitée : reste la politique de sanctions, que cette proposition de résolution vise à renforcer.
Le RDSE soutient cette demande, tout en gardant à l'esprit que les sanctions internationales n'ont pas toujours non plus la portée que l'on souhaiterait, n'en déplaise au président Wilson, qui déclarait en son temps qu'« une nation boycottée est une nation en voie de capitulation » et que ce remède « pacifique et silencieux » évitait le « recours à la force ».
Le cas de l'Irak démontre qu'un pays peut être atteint par le plus dur régime de sanctions sans être pour autant épargné par une intervention militaire. Plus généralement, les sanctions font rarement plier un régime. L'Iran, la Corée du Nord et la Russie, laquelle a été visée après l'annexion de la Crimée, se sont à peine émus de leur situation !
Madame la secrétaire d'État, sans relâcher les efforts diplomatiques pour tenter d'isoler le régime de Nicolás Maduro, nous avons donc la responsabilité d'apporter une aide humanitaire à tous les Vénézuéliens qui sont en danger.
Nos collègues appellent à une action vigoureuse de la part de la Cour pénale internationale. Les Vénézuéliens ne trouveront pas justice dans leur pays, c'est certain : au sommet de l'État figure le Tribunal suprême de justice, une institution dominée par des proches de l'exécutif. Justice doit donc leur être apportée à l'extérieur.
Aussi, les membres du RDSE voteront cette proposition de résolution, car le respect des droits de l'homme a toujours été au cœur des actions de la France sur la scène internationale.
Nos amis vénézuéliens appellent au secours. Malgré les difficultés que j'ai évoquées, le renoncement n'est pas dans les gènes de notre République. Vous pouvez donc être assurés du soutien de mes collègues du RDSE et de moi-même, pour les nouvelles initiatives que la France engagerait et qui donneraient un peu d'espoir au peuple vénézuélien, n'en déplaise à l'ambassadeur de la République bolivarienne du Venezuela en France ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)