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Mme la présidente. La parole est à M. Éric Gold. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, alors que la réforme constitutionnelle, qui doit consacrer le droit à la différenciation territoriale, peine à voir le jour, le Sénat est réuni ce matin pour affirmer sa position sur le pouvoir de dérogation aux normes attribué aux préfets.
Dans un pays historiquement centralisé tel que le nôtre, les normes ont toujours été conçues pour garantir une égalité de traitement entre les citoyens et les territoires, avec de surcroît des attentes très élevées envers les politiques publiques.
Le constat est connu, ancien et unanime : chacun déplore l'inflation normative, législative comme réglementaire. Nous aussi, législateurs, devons prendre notre part de blâme. Je me souviens ainsi du travail considérable effectué par la mission Bureau d'annulation des lois anciennes et inutiles, ou Balai. Celle-ci a conduit à l'adoption d'une proposition de loi de notre collègue Vincent Delahaye tendant à améliorer la lisibilité du droit par l'abrogation des lois obsolètes illisibles, que nous avons été très nombreux à cosigner. Le groupe RDSE y a pris sa part, avec le rapport de notre collègue Nathalie Delattre.
La présente proposition de résolution constitue une nouvelle pierre à cet édifice titanesque. Mon groupe valide bien entendu sans réserve le rapport sur lequel elle s'appuie. Par son attachement aux territoires et à leur diversité, comme vous tous, il souscrit pleinement à l'objectif d'allégement des démarches administratives et d'accélération des procédures.
Au-delà de la différenciation territoriale, le Gouvernement a reconnu que la réduction du stock des normes applicables aux collectivités figurait parmi les enseignements du grand débat. Ce n'est pas nouveau. Je pense aussi au travail important fourni par nos anciens collègues Alain Lambert et Jean-Claude Boulard dans leurs rapports.
Les élus nous le disent tous les jours : le poids des normes et des obligations alourdit leur charge de travail et ralentit la progression des réformes. L'inflation normative – je parle ici des flux, et non du stock – est un obstacle aux initiatives locales. Elle paralyse l'action publique, là où nos concitoyens attendent beaucoup des collectivités. Et elle alimente encore la crise des vocations chez les élus locaux.
Bien entendu, les gouvernements successifs ont tenté ces dernières années de maîtriser cette inflation normative en réduisant non pas le flux de nouvelles normes ou le stock de normes anciennes, mais le poids des normes, grâce à une interprétation facilitatrice de la part de l'État et à une expérimentation offrant un pouvoir de dérogation aux préfets.
L'interprétation facilitatrice étant soumise à un engagement concret des préfets, les auteurs de la proposition de résolution lui préfèrent le pouvoir de dérogation aux normes, qui s'appuie sur une base juridique plus solide et plus objective.
Toutefois, cette expérimentation n'est pas exploitée à son maximum, puisqu'elle est mal connue et très encadrée. De plus, nous l'avons compris, elle arrive à son terme au mois de décembre prochain.
À travers cette proposition de résolution, le Gouvernement est ainsi invité, à prendre des mesures pour étendre le dispositif, qui serait alors assorti de mécanismes d'information et de formation. La différenciation territoriale pouvant être source d'insécurité juridique et de complexité, elle doit en effet être encadrée, pour être mieux conciliée avec le principe d'égalité des territoires.
Toutefois, avant toute révision constitutionnelle, le groupe RDSE se joint à la délégation aux collectivités territoriales pour solliciter de l'État un indispensable desserrement des contraintes pesant sur les collectivités. Comment pourraient agir efficacement les petites collectivités face aux 1 600 décrets et 8 000 arrêtés ministériels produits chaque année alors que le contrôle de légalité des préfectures est de moins en moins protecteur ?
M. François Calvet. Eh oui !
M. Éric Gold. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation propose ainsi plusieurs mesures pour davantage de rapidité, de souplesse et de pragmatisme dans la mise en œuvre des politiques publiques : d'abord, en rendant pérenne et en élargissant le champ d'application du droit à la dérogation pour les préfets de région ; ensuite, en donnant la possibilité au préfet de département de déroger à certaines décisions du préfet de région et du ministre ; enfin, en étendant également ce pouvoir aux collectivités qui souhaiteraient déroger à certaines normes pour tenir compte de leurs spécificités locales.
Ces mesures seraient utilement complétées par une meilleure information des agents, élus et destinataires des normes, par un dialogue local renforcé entre l'État et les collectivités, ainsi que par une meilleure évaluation du dispositif. Une consultation du Sénat est même envisagée pour les dérogations sollicitées par les collectivités. Assorties de telles garanties, les mesures évoquées semblent répondre au besoin de simplification de nos territoires. C'est pourquoi le groupe RDSE votera majoritairement en faveur de cette proposition de résolution.
Toutefois, nous nous accordons pour dire qu'une démarche au cas par cas est limitée. C'est une approche globale dont nous avons besoin, pour ouvrir une nouvelle forme de décentralisation et de proximité. Cela passe par une profonde transformation des processus de fabrication des normes, au-delà de la seule révision constitutionnelle.
Enfin, je tiens à rappeler que la dérogation doit poursuivre un motif d'intérêt général et de non régression. Ne tombons pas dans la caricature en allégeant tout et partout. Le niveau d'exigence doit absolument être maintenu, notamment en matière environnementale, où l'idée de bien commun doit toujours nous accompagner. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – M. François Calvet applaudit également.)