M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)
Mme Nathalie Delattre. Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, hier, le Président de la République s'est rendu à Mulhouse afin d'évoquer un sujet sensible, la lutte contre les communautarismes ou, selon la nouvelle sémantique, le « séparatisme religieux ».
Cette prise de parole était attendue et elle est salutaire, car, oui, la menace que la radicalisation religieuse fait peser sur notre modèle républicain et laïc de vivre-ensemble est réelle.
La commission d'enquête sénatoriale sur la radicalisation islamiste, que j'ai l'honneur de présider et dont Jacqueline Eustache-Brinio est la rapporteure, met au jour la convergence des points de vue, par-delà les constats partisans, sur la gravité de la situation. Il est effectivement urgent d'agir.
Néanmoins, pour atteindre les objectifs fixés, la question des moyens, financiers et humains, ainsi que la détermination à s'impliquer, à chaque échelon, dans ce combat, seront cruciales. Ce sont des réponses concrètes qu'il nous faut apporter aux situations quotidiennes qui se présentent aux communes, aux écoles, aux universités, aux associations, aux fédérations sportives ou encore aux hôpitaux ; la liste est encore longue…
Pour autant, monsieur le Premier Ministre, j'ai eu, hier, la désagréable impression que le Président de la République s'engageait dans la voie de solutions passant, malgré les tentatives peu probantes de ses prédécesseurs, par un islam de France. Or il y a un islam en France, pratiqué par des milliers de musulmans, dans le respect des lois de notre République et de la laïcité. Cette dernière est là pour protéger les croyants comme les non-croyants contre les islamistes, que la République ne doit donc pas institutionnaliser.
Or, ce matin, le ministre de l'intérieur a précisé sur France Inter qu'il était prêt à accorder des moyens aux religions, loin des principes actuels de notre loi de 1905 ; cela nous paraît dangereux !
Aussi, monsieur le Premier ministre, quels sont véritablement les moyens que vous allouerez à la mise en œuvre des annonces égrenées hier, afin d'apporter des réponses fortes aux menaces qui pèsent tant sur les Français de confession musulmane que sur notre unité nationale ? (Applaudissements sur les travées du groupe du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice, le séparatisme, c'est la volonté de quelques-uns de s'éloigner des valeurs de la République ; pire, c'est le fait de considérer que ces valeurs devraient s'effacer derrière d'autres valeurs, derrière des influences étrangères ou des décisions religieuses qui s'imposeraient à elles.
Il nous faut donc lutter – je sais que tout le monde, ici, est engagé et sera totalement mobilisé pour cela – contre ce séparatisme ; vous y travaillez actuellement, dans le cadre de la commission d'enquête que vous présidez, madame la sénatrice. Ce séparatisme existe au-delà des grandes villes et de certains quartiers, y compris dans la ruralité ; nous le savons tous ici.
Hier, le Président de la République a présenté un plan d'action, dont le premier volet se construit tout d'abord sur les enjeux de sécurité. C'est la politique que nous menons dans le cadre de la reconquête républicaine, en particulier dans quinze quartiers. Nous en avons présenté le bilan d'activité – j'y reviendrai si nous en avons le temps –, lequel démontre combien nous devons, tous ensemble, lutter contre l'organisation de ce séparatisme, c'est-à-dire contre les écosystèmes qui se créent et qui, au fond, cherchent à éviter, à esquiver la République.
Le deuxième axe de ce plan, c'est la lutte contre les influences étrangères ; le Président de la République l'a abordé longuement hier.
Le troisième axe consiste à redonner corps à la promesse républicaine ; on sait qu'il y a un déterminisme social, un sentiment d'échec, qui peut aussi conduire vers des formes de radicalisation.
Nous devons donc être, sur ces sujets, totalement mobilisés.
Madame la sénatrice, je veux vous rassurer : nul, ici, à commencer par moi, ne souhaite accorder des moyens, pour reprendre votre expression, au culte. Le principe même de la loi de 1905 doit être défendu et je le défends activement. Il n'est donc pas question de mettre en place des financements publics des cultes, quels qu'ils soient. Le principe de la laïcité est de faire en sorte que chacun puisse avoir le droit de croire, en en ayant les moyens ; nous devons contrôler cela.
Le Président de la République s'exprimera à nouveau dans quelques jours, puis nous présenterons un plan d'action, sur lequel, j'en suis convaincu, nous nous retrouverons tous, afin de faire en sorte que le séparatisme recule et que la République reconquière son territoire, mètre carré par mètre carré, partout où c'est nécessaire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe du RDSE.)