En effet, la loi prévoit : « Afin d'atteindre l'objectif national d'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, le rythme de l'artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la [...] loi doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d'espace [...] soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date. »
Toutefois, dans les territoires la réalité est tout autre.
Comment concilier cet objectif et les impératifs de nos vies quotidiennes en matière de logement, d'emploi, de transport, de développement économique ou encore de rénovation urbaine ? Ce qui est demandé relève purement et simplement de l'impossible.
À titre d'exemple, dans la communauté d'agglomération de Tarbes-Lourdes-Pyrénées, si la loi était brutalement appliquée, il resterait aujourd'hui juste de quoi satisfaire les besoins en matière de développement économique.
Sur le fondement de ce constat, comment expliquer aux quatre-vingt-six communes de l'agglomération qu'elles ne pourront plus accueillir de nouvelles populations, faute de pouvoir construire ? Ce problème se pose à l'identique dans l'ensemble des départements de France.
C'est d'autant plus problématique que les élus sont confrontés à l'absence de publication des décrets d'application, alors que la réduction de la consommation des espaces naturels agricoles était censée être entérinée après une conférence des schémas de cohérence territoriale (SCoT) à l'échelle régionale, dans les six mois suivant la promulgation de la loi.
Madame la secrétaire d'État, comptez-vous prolonger ce délai, comme cela vous a été demandé, ce qui permettrait une meilleure préparation territoire par territoire ?
Pouvez-vous également mettre fin au flou actuel dans lequel se trouvent les territoires concernés et nous indiquer dans quels délais seront publiés les principaux décrets d'application de la loi Climat et résilience ?
Enfin, est-il prévu de pouvoir appliquer cette loi et son article 47 de manière véritablement différenciée, afin d'atteindre les objectifs de non-artificialisation des sols sans pour autant freiner le développement des territoires, notamment les plus ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe UC. – Mmes Martine Berthet et Frédérique Puissat, MM. Gérard Longuet et Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Madame la sénatrice Carrère, 3,5 millions d'hectares sont artificialisés aujourd'hui en France. Nous savons combien il est important de réduire cette artificialisation, voire de désartificialiser les sols par endroits. Un dispositif équilibré a été trouvé au cours des débats parlementaires et a fait l'objet de larges discussions ces derniers mois.
Sachant que 5 % des communes sont responsables de quasiment 40 % de la consommation d'espaces, il était absolument impératif de réduire le rythme d'artificialisation et de définir ensemble une trajectoire ambitieuse. L'objectif est évidemment non pas de ne plus construire, mais de construire mieux et de mener une réflexion sur cette question à l'échelle d'un territoire. Il faut évidemment veiller particulièrement à respecter les terres agricoles et les espaces naturels.
Ce dispositif équilibré, qui vise à réduire l'artificialisation, n'implique pas, je le redis, l'arrêt immédiat de toute artificialisation. Nous devons d'abord nous concentrer sur la construction dense, sur les friches et les terrains déjà artificialisés. Il reste 140 000 hectares mobilisables pour les dix prochaines années, soit 14 000 hectares par an. Nous ne sommes donc pas empêchés. Nous devons simplement trouver une nouvelle dynamique.
Tous les territoires n'ont pas forcément les mêmes besoins ni les mêmes trajectoires d'artificialisation passées, vous l'avez dit. Cela doit être entendu et pris en compte.
C'est pourquoi la réduction de 50 % de la consommation d'espaces est applicable non pas à l'échelon de chaque commune, mais à l'échelon régional. La communauté d'agglomération de Tarbes-Lourdes-Pyrénées n'est donc pas concernée directement en tant que telle. Elle l'est à l'échelle de la région.
Cette loi prévoit également des critères de territorialisation, qui tiennent compte des efforts passés et des besoins de développement. Comme vous nous l'avez demandé, nous avons allongé de six mois le délai dans le projet de loi 3DS, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, afin de permettre aux collectivités de s'organiser et de prévoir cette territorialisation. (Marques d'impatience sur les travées du groupe Les Républicains.) C'était une attente forte, nous l'avons entendue, dans un calendrier évidemment perturbé par le contexte sanitaire que nous connaissons.
M. le président. Il faut conclure !
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État. Nous sommes donc tout à fait mobilisés.
Enfin, trois décrets seront présentés au Conseil national d'évaluation des normes le 22 février. D'ici là, nous poursuivrons la concertation. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)