M. le président. La parole est à M. Henri Cabanel, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Henri Cabanel. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Non-partage de la valeur, aléas climatiques et sanitaires, lourdeurs administratives, CETA et, maintenant, zone de non-traitement. Hier, les agriculteurs ont crié leur détresse. Cessons de tirer sur l'ambulance ! Un agriculteur se suicide tous les jours. Cela ne suffit-il pas ? Que veut cette société qui se clive dangereusement ? Faire disparaitre notre agriculture ? S'alimenter avec des produits importés qui ne respectent pas nos propres exigences sanitaires ?
Pourquoi accuser inlassablement nos agriculteurs ? Je rappelle qu'ils n'utilisent que des produits homologués par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, seule légitime pour les autorisations de mise sur le marché.
Il n'y aura pas de transition écologique sans nos paysans. Ils l'ont compris et veulent y jouer un rôle fondamental et répondre à l'attente sociétale. Pourquoi ne parle-t-on pas de tous les efforts entrepris depuis des années pour s'inscrire dans une agriculture durable ? Pourquoi ne cibler que le mauvais, sans jamais parler du bon ?
Le bon, c'est par exemple VitiREV, projet lancé en Gironde dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt national « Territoires d'innovation – Grande Ambition », que m'a décrit ma collègue Nathalie Delattre. Ce sont aussi, partout en France, les projets d'agriculture raisonnée ou de haute valeur environnementale.
Il faut agir collectivement, selon une véritable stratégie coconstruite avec la filière, les consommateurs, les distributeurs et les industriels, en traçant une ligne unifiée et partagée.
Monsieur le ministre, personne ne peut nier votre soutien aux agriculteurs : votre combat contre l'agribashing est constant. Mais quelle est la cohérence quand l'État encourage une transition agroécologique et que, en même temps, il vide les chambres d'agriculture de leur contenu et de leur proximité dans une simple logique budgétaire ? Ce projet ambitieux ne réussira pas sans les chambres d'agriculture !
Monsieur le ministre, comment comptez-vous faire aboutir un véritable partage des valeurs, objectif essentiel de la loi dite Égalim pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire ?
Comment comptez-vous faire appliquer les dispositions de cette loi qui concernent l'étiquetage, mais qui posent le problème plus global de la concurrence déloyale face à des denrées importées, traitées avec des produits interdits en France et consommées par des consommateurs qui les refusent ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, Les Indépendants, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Cabanel, vous avez eu raison de poser un constat, celui de la coupure qui existe aujourd'hui entre une partie de la population et nos agriculteurs.
En ce qui me concerne, je veux lancer un cri d'alarme à nos concitoyens : aimez vos agriculteurs ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Et il y a des raisons pour cela : par exemple, pour la troisième année consécutive, l'agriculture française a été désignée comme la plus durable au monde. Ainsi, l'alimentation fournie par nos agriculteurs est la plus sûre, la plus saine et la plus durable d'Europe.
Monsieur Cabanel, vous avez raison, ce dénigrement, cet agribashing, est totalement insupportable, et nous devons le combattre le plus vigoureusement possible.
Il est absolument inadmissible que des gens – ils sont parfois à visage découvert ! – entrent dans des exploitations, y ouvrent des portes, voire mettent le feu à des bâtiments – je me suis récemment rendu dans l'Orne pour constater de telles exactions. Ce n'est pas acceptable, et la justice doit faire son travail et condamner de tels actes.
Je voudrais saluer les agriculteurs et leurs syndicats qui étaient hier dans la rue pour crier leur colère face à ce dénigrement et cet agribashing. Ces manifestations se sont déroulées dans un grand calme, et je veux en féliciter les organisateurs. J'aurai naturellement d'autres rendez-vous avec eux.
Comme l'indiquait hier le Premier ministre à l'Assemblée nationale, la lutte conte ce dénigrement est un combat constant du Gouvernement.
Nous devons aussi réussir à faire en sorte que la loi Égalim produise ses effets, pour que les revenus des agriculteurs augmentent.
Je n'ai plus beaucoup de temps, mais j'aurai d'autres occasions pour évoquer les différents aspects de votre question, monsieur Cabanel.
Pour conclure, je vous dirai simplement : aimons notre agriculture ! En effet, si notre alimentation ne provient pas de nos agriculteurs, elle viendra d'ailleurs et elle sera moins bonne ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et Les Indépendants.)