M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Yves Roux. Ma question s’adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
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Monsieur le garde des sceaux, ce week-end, fait inédit, soixante maires du département des Alpes-de-Haute-Provence de toute sensibilité politique vous ont directement interpellé ; soixante élus, alors que notre département en compte cent quatre-vingt-dix-huit, c’est énorme.
Ensemble, ils ont dressé le constat que la plupart de leurs signalements à la justice de faits délictueux survenus dans leurs communes n’étaient pas assez suivis d’effets et que cette absence de réponse créait chez les individus concernés un sentiment d’impunité inacceptable.
M. Michel Savin. C’est vrai.
M. Jean-Yves Roux. Que demandent ces maires ? Ils demandent justice pour ne plus être seuls, en première ligne, face à des individus qui se considèrent au-dessus des lois. Ils rapportent une accumulation de menaces, intimidations, insultes à leur égard, qui les mettent en danger.
La loi du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression, dont Nathalie Delattre est à l’origine et qui a été présentée par le groupe RDSE, a constitué, avec votre soutien, monsieur le garde des sceaux, une étape importante pour protéger les élus. Nous pensons qu’il est nécessaire d’aller plus loin, dans le plus strict respect du principe de séparation des pouvoirs qui fonde notre Constitution.
Notre démocratie est vivante, la démocratie locale particulièrement. La violence n’y aura jamais sa place : il n’y a de place, et cette place est grande, que pour la loi, le débat démocratique et le suffrage universel.
Monsieur le garde des sceaux, depuis 2020, plus de 1 300 maires ont jeté les gants. L’agressivité permanente qu’ils subissent en est une explication. Le climat doit s’apaiser ; à défaut, les hussards bleu blanc rouge de la République tomberont les uns après les autres, ce qui affaiblirait notre démocratie locale.
Être élu de la République, c’est un engagement, pas un sacrifice. Monsieur le garde des sceaux, que répondez-vous à ces maires qui demandent, dans les Alpes-de-Haute-Provence comme ailleurs, des réponses pénales plus adaptées pour exercer sereinement leur mandat et qui réclament le soutien le plus entier de l’institution judiciaire ? (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je le dis depuis le premier jour de façon solennelle : s’en prendre à un élu, c’est s’en prendre à la République. (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
C’est pourquoi j’ai placé la justice de proximité au cœur de mon action. Vous avez d’ailleurs rappelé le travail que nous venons d’accomplir, avec Mme Delattre, pour mieux accompagner les élus victimes.
La justice de proximité repose sur cinq piliers essentiels, d’abord sur une ambition inédite pour lutter plus efficacement contre la délinquance. Nous demandons ainsi aux procureurs d’apporter systématiquement une réponse pénale ferme et rapide.
Elle s’appuie ensuite sur des moyens historiques. C’est ainsi que 2 000 contractuels, 1 500 magistrats et 1 800 greffiers ont déjà été recrutés. En outre, 1 100 nouveaux contractuels sont en cours de recrutement. Vous savez cela aussi bien que moi, vous avez voté le texte prévoyant ces moyens.
La justice de proximité se fonde également sur une meilleure coordination des acteurs locaux – j’insiste beaucoup sur ce point. Préfectures, parquets, élus : nous sommes tous dans la même barque républicaine.
Par ailleurs, elle implique le déploiement d’une justice au plus près de nos concitoyens partout sur le territoire, grâce à la création, notamment, de 1 700 point-justice.
Enfin, et bien sûr, elle suppose une réponse pénale implacable contre tous ceux qui s’en prennent à nos élus.
Cette politique claire doit être déclinée partout – je dis bien : partout ! – sur le territoire.
J’ai reçu l’appel des maires que vous relayez, monsieur le sénateur, et je vous remercie de le faire. Les élus doivent évidemment être entendus et nous devons être à leurs côtés, comme l’est le ministère de la justice.
Je me méfie toutefois des attaques ad hominem. Ma priorité, c’est que le dialogue se poursuive partout avec toutes les composantes de l’État. À cet effet, je me rendrai au mois de janvier prochain dans votre département, afin que le dialogue reprenne, car la sécurité de nos compatriotes impose que tous les acteurs se mettent autour de la table et que chacun fasse de son mieux pour que vive notre pacte républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)