Mme Véronique Guillotin. Monsieur le secrétaire d'État, cette question intervient à la suite d'une proposition de l'Association des maires ruraux de France, au sujet du forfait de participation aux urgences du patient. Mis en place depuis le 1er janvier 2022, il prévoit l'acquittement d'une somme forfaitaire de 19,61 euros pour chaque passage aux urgences sans hospitalisation.
Quelques exonérations sont possibles, notamment pour les femmes enceintes, pour les bénéficiaires de pension d'invalidité ou encore pour les nourrissons. D'autres patients peuvent se voir attribuer le montant minoré de 8,49 euros, comme les personnes souffrant d'une affection de longue durée.
Lors du vote du forfait patient urgences (FPU), à la fin de 2020, je vous avais fait part de mes réticences. En effet, faute de mesures complémentaires et sans un accès aux soins performant en amont des urgences, ce forfait ne remplira pas son rôle de désengorgement des urgences.
Ces montants sont certes intégralement remboursés par les complémentaires santé, mais 5 % de la population n'en possèdent pas.
Cette difficulté s'ajoute dans de nombreux cas à celle de la désertification médicale, qui touche malheureusement de nombreux Français.
Comme le souligne très justement l'Association des maires ruraux de France, les urgences sont pour nombre de nos concitoyens le seul recours en l'absence d'un médecin généraliste déclaré. Or, selon l'assurance maladie, plus de 5 millions de Français n'ont pas de médecin traitant et ce chiffre a plutôt tendance à s'aggraver qu'à s'améliorer.
Des mesures ont été engagées par le Gouvernement pour y remédier, que j'ai majoritairement soutenues parce qu'elles étaient nécessaires. Cependant, à l'instar de l'augmentation du numerus clausus, elles mettront du temps à porter leurs fruits.
Ce nouveau forfait ne doit pas être perçu comme une double peine pour ceux qui éprouvent déjà des difficultés à se faire soigner et qui n'ont pas ou plus de médecin traitant référent, faute de praticien de proximité.
Ma question est simple : le ministère envisage-t-il de réexaminer ces critères d'exclusion du forfait de participation aux urgences et d'exonérer de cette contribution les patients qui ne trouvent pas de médecin traitant ? Ce ne serait, à mon sens, qu'une mesure de bon sens et de justice.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles. Madame la sénatrice Véronique Guillotin, je vous remercie de m'offrir l'occasion de m'exprimer de nouveau sur cette question. Nous partageons votre préoccupation, et c'est pourquoi nous veillons à garantir l'accès aux soins pour tous sur l'ensemble du territoire.
Permettez-moi de rappeler que les assurés acquittaient déjà une participation au titre de leur passage aux urgences. La création du forfait patient urgences (FPU) n'augmente pas les restes à charge des patients, notamment ceux résidant dans les communes rurales. Celui-ci simplifie néanmoins les modalités de calcul, en prévoyant, non plus un ticket modérateur proportionnel à l'intensité de la prise en charge, mais une participation forfaitaire.
Cette forfaitisation offre une meilleure protection des usagers nécessitant des soins complexes – leur participation pouvait atteindre auparavant un montant de 60 euros.
Le forfait patient urgences est pris en charge par les complémentaires santé : la question des restes à charge est donc davantage liée à l'accès aux mutuelles. Comme vous le savez, seuls 4 % des assurés n'en disposent pas. Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour faciliter le recours à ces organismes, notamment à la complémentaire santé solidaire, destinée aux assurés les plus précaires, comme en témoignent les mesures adoptées par le Sénat dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
La qualité et la sécurité du parcours de soins des patients ne sont pas altérées par la mise en place du forfait patient urgences : l'accès aux urgences est toujours possible pour les patients qui ne disposent pas de leur carte Vitale ou de leur pièce d'identité, de même que pour ceux ayant des difficultés à consulter un médecin en ville.
Bien sûr, il nous faut continuer à agir pour un meilleur accès aux soins de tous les patients : c'est là une priorité constante du Gouvernement.
En tout état de cause, durant ces quatre dernières années nous avons essayé de résoudre ensemble les difficultés structurelles que vous évoquez : nous avons ainsi encouragé le développement de l'exercice coordonné de la médecine, grâce à la mise en œuvre des communautés professionnelles territoriales de santé, et nous avons favorisé la création de postes d'assistants médicaux, le déploiement de 400 médecins généralistes dans les territoires prioritaires ainsi que la mise en place du service d'accès aux soins. Nous continuerons à déployer l'ensemble de ces mesures.