M. Christian Bilhac. Monsieur secrétaire d'État, la démographie médicale ayant évolué ces dernières années, je m'inquiète de l'inadéquation entre les statistiques mesurant la présence de médecins généralistes sur le terrain et la réalité de l'accès à l'offre de soins pour les Français.
Les données sur la présence et la répartition des médecins sur le territoire, département par département, ne reflètent plus la réalité. Par ailleurs, l'accessibilité à la médecine se détériore.
Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), entre 2013 et 2019, les effectifs des médecins libéraux ont baissé de 1 700, alors que la population a augmenté de 1,4 million.
Les généralistes travaillent en moyenne entre 50 heures et 60 heures par semaine, consacrant 61 % de leur temps de travail aux activités de soins.
Toutefois, il s'agit d'une moyenne et une tendance se dessine ces dernières années : de plus en plus de médecins libéraux, par choix de vie, choisissent le temps partiel. Or leur poste est comptabilisé dans les effectifs, mais leur présence sur le terrain n'équivaut pas à un temps plein.
Il y a vingt ans, et c'est encore le cas pour certains aujourd'hui, un médecin de famille exerçait 80 heures par semaine. Aujourd'hui, il est remplacé par un temps partiel de 20 heures par semaine. Finalement, les trois praticiens qui composent un cabinet médical en zone rurale effectuent à eux trois un temps complet, pour une présence respective moyenne de deux jours par semaine.
Cette réalité fausse les statistiques et n'est pas sans conséquence en termes de perte de chance de vivre en bonne santé pour un nombre de plus en plus grand de patients.
Monsieur le secrétaire d'État, serait-il possible de faire réaliser rapidement une étude pour connaître le nombre de médecins libéraux, non plus en nombre, mais en équivalent temps plein, comme cela se pratique dans toutes les directions des ressources humaines ? Par ailleurs, pourrez-vous publier les données calculées sur cette base ?
Mme le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles. Monsieur le sénateur, le défi démographique que nous avons à relever ensemble aujourd'hui est immense : le nombre de médecins est en baisse régulière depuis 2010 et cette baisse est susceptible de se poursuivre jusqu'en 2025. Comme vous le mentionnez, ce défi est celui, primordial, de l'accessibilité de tous à la médecine et aux soins.
Mesurer l'accessibilité aux soins de santé demande en effet de tenir compte de nombreuses composantes : comptabiliser les effectifs à l'échelon départemental est nécessaire, mais n'est pas suffisant. Je partage votre opinion.
C'est pourquoi le ministère se mobilise. Il convoque, outre des données démographiques en effectifs, un indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL). Bien que très « techno » en apparence, cet indicateur est fort utile puisqu'il comptabilise l'offre de soins réelle fournie par chaque professionnel, en ETP ou, dans le cas des médecins généralistes, en nombre de consultations. Il est publié annuellement depuis 2015 pour quatre professions de premier recours : médecins généralistes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, sages-femmes.
Les situations au sein d'un même département pouvant être très inégales, l'analyse est conduite à l'échelon de chaque commune, en tenant compte de la situation des communes environnantes. Elle intègre également un autre facteur majeur : l'évolution de la demande de soins liée au vieillissement de la population.
L'ensemble des données, ainsi qu'une visualisation cartographique, est accessible sur le site de la Drees, de même que les études régulièrement publiées sur le sujet. J'ai à votre disposition les adresses internet de ces organismes, si vous le souhaitez.
L'analyse ainsi menée montre qu'entre 2015 et 2019 l'accessibilité aux médecins généralistes s'est dégradée sur le territoire : si 8 % de la population vivait dans un territoire dont l'offre de soins était insuffisante en 2015, cela concerne 15 % de la population en 2019.
C'est pourquoi, depuis 2017, le Gouvernement a fait de cette problématique l'une de ses priorités.
Dans le cadre du plan Ma santé 2022, nous avons aussi pris des dispositions avec, notamment, la création de 4 000 postes d'assistants médicaux, le déploiement de la pratique avancée ou des protocoles de coopération à l'échelon communal.
(M. Pierre Laurent remplace Mme Pascale Gruny au fauteuil de la présidence.)