Depuis l'ordonnance du 4 octobre 1945, différentes aides ont été mises en place pour atteindre ces objectifs, mais, ces dernières années, de nombreuses réformes isolées ont été menées sans véritable réflexion sur ce qui signifie « faire famille » au XXIe siècle ou même sans réelle cohérence globale. Nos mesures de soutien ont par conséquent perdu en lisibilité et leur mode de versement s'en est retrouvé plus complexe que jamais.
La modulation du versement des allocations familiales, dont nous débattons aujourd'hui, a par exemple été adoptée par amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, sans étude d'impact ni concertation avec les acteurs concernés. Cette réforme fut une véritable double peine pour nos classes moyennes, qui avaient déjà subi l'abaissement du plafond du quotient familial en 2013 et en 2014.
Or les allocations familiales ont historiquement été mises en place pour soutenir tous les citoyens français désireux d'avoir un enfant, indépendamment de leurs ressources. Face aux pays anglo-saxons, nous nous enorgueillissions de ce modèle d'équité fondé sur une solidarité horizontale, les ménages sans enfant reversant aux familles avec enfants.
Notre démographie, dynamique, semblait y répondre plus que favorablement : nous restons le pays le plus fécond d'Europe. Cependant, depuis 2014, 2015, l'indice conjoncturel de fécondité n'a fait que baisser, passant même en dessous du seuil de renouvellement des générations en 2018.
La naissance d'un enfant engendre nécessairement des coûts qui rendent le niveau de vie des ménages avec enfants plus faible que ceux n'ayant pas d'enfant. D'après un rapport de la direction générale du Trésor de 2015, l'écart entre les familles sans enfant et celles avec trois enfants et plus s'élèverait à 26 %.
Le principe d'universalité des allocations familiales n'est pas qu'une mesure symbolique. Nous ne pouvons exclure systématiquement une tranche de la population de nos systèmes de redistribution sociale si nous souhaitons que cette solidarité perdure.
Notre dispositif d'aides comprend un volet important de redistribution verticale pour soutenir les foyers les plus vulnérables : je pense notamment à l'allocation de rentrée scolaire, aux primes de naissance ou d'adoption et au complément familial. Depuis 2015, d'autres réformes importantes ont permis de soutenir tout aussi efficacement le niveau de vie des ménages les plus pauvres, comme la revalorisation du revenu de solidarité active (RSA), dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, et la création de la prime d'activité.
Il importe de rappeler que la réforme de 2015 sur la modulation n'a pas bénéficié aux ménages les plus fragiles. Il s'agissait uniquement de réduire le déficit de la branche famille. Or le versement des allocations familiales ne peut et ne doit pas être une variable d'ajustement budgétaire.
Mon groupe parlementaire conditionnera son vote à l'adoption de l'amendement de notre collègue Colette Mélot, qui vise à supprimer l'exonération d'impôt sur le revenu dont bénéficient les allocations familiales.
Pour ma part, je voterai en faveur de la proposition de loi visant à renforcer l'universalité des allocations familiales, présentée par notre collègue Olivier Henno, dont je salue le travail.
Je profite de cette occasion, monsieur le secrétaire d'État, pour vous interpeller sur la nécessité de redonner un cap stratégique à notre politique familiale face à la diminution du nombre d'enfants par ménage, à l'augmentation du nombre de familles monoparentales et à la multiplication des schémas familiaux. Il est indispensable de lancer un Family act à la française. Un tel appel a déjà été lancé par une mission d'information parlementaire, mais est malheureusement resté sans réponse jusqu'à ce jour. (M. le rapporteur applaudit.)