M. Jean-Yves Roux. Madame la ministre, beaucoup d'entre nous connaissent l'adage : « Là où l'on trouve de grands pouvoirs, on trouve de grandes responsabilités ». L'inverse est-il vrai ? Là où se trouvent de grandes responsabilités, trouve-t-on de grands pouvoirs ?
L'adaptation au changement climatique et la sécurisation des populations face à ces risques répétés et mortifères constituent l'un des plus grands défis auxquels nos collectivités devront faire face ensemble.
Dans ce contexte, les communautés de communes rurales et de montagne qui disposent de nombreux linéaires d'eau susceptibles de déborder ont, depuis le 1er janvier 2018, la grande responsabilité de la prévention des inondations en exerçant la compétence de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi).
Ces établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont, comme toutes les collectivités locales, touchés de plein fouet par l'inflation. Ils prennent en charge l'augmentation du point d'indice de nos fonctionnaires et font face à des factures énergétiques salées.
Or les plus petites d'entre elles ne disposent pas d'une surface financière suffisante pour assumer pleinement la responsabilité de la compétence Gemapi, alors que les investissements nécessaires sont immenses et croissants. La taxe Gemapi, instaurée par la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « Maptam », repose sur ces seules collectivités, quand l'ensemble du bassin bénéficie de l'entretien des cours d'eau en amont.
Madame la ministre, l'entretien nécessaire des ouvrages et la sécurisation des personnes et des biens passent aujourd'hui au second plan, faute de capacités d'investissement de ces EPCI. Pis encore, le risque est aujourd'hui certainement minoré.
Rappelons que l'article 56 de la loi Maptam prévoit le transfert dès 2024 de l'entretien des ouvrages de prévention des inondations aux autorités « Gemapiennes ».
Le rapport de la Cour des comptes sur les finances locales et la situation financière des intercommunalités du 26 octobre dernier est éclairant. Il promeut une meilleure répartition des ressources entre les collectivités, notamment au travers d'un renforcement de la péréquation horizontale.
La loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS », a ouvert le champ de la différenciation territoriale. Il est temps d'y ajouter celui de la solidarité.
Madame la ministre, quand allez-vous proposer une réforme du financement du risque d'inondation lié aux cours d'eau prévoyant un véritable partage de la responsabilité ? Comptez-vous repousser le transfert de responsabilité prévu pour 2024 par la loi Maptam ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, depuis 2018, les EPCI à fiscalité propre exercent la compétence Gemapi et doivent, à ce titre, gérer les ouvrages de protection contre les inondations.
Dans une période transitoire, qui doit donner aux acteurs le temps de s'organiser, l'État gère certains ouvrages jusqu'en 2024. Le transfert prévu représentera indéniablement un investissement important pour les collectivités, mais plusieurs outils financiers sont déployés pour accompagner ces dernières.
Ainsi, le fonds de prévention des risques naturels majeurs appuie jusqu'en 2027 les études et les travaux sur les anciennes digues de l'État. La taxe Gemapi permet en outre de prélever jusqu'à 40 euros par habitant.
Ensuite, 2 milliards d'euros sont disponibles au titre des financements des agences de l'eau et du dispositif Aqua Prêt, géré par la Caisse des dépôts.
Enfin, la loi 3DS rend possible une expérimentation destinée à mieux associer les établissements publics territoriaux de bassin à cette politique par des financements dédiés ; elle permet en outre aux EPCI de se regrouper dans des structures dédiées, afin d'atteindre la bonne échelle de gestion hydrographique.
L'État accompagne donc les collectivités dans ce transfert de compétence. Les moyens et les capacités financières ouvertes à cet effet sont importants, tout comme les leviers de gouvernance.