M. André Guiol. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous devons approuver aujourd'hui la ratification du traité entre la République française et la République italienne pour une coopération bilatérale renforcée.
Il y a quelques mois, cette étape n'aurait pas suscité beaucoup de commentaires. Bien que tumultueuses à la fin de la dernière décennie, nos relations avec l'Italie ont depuis lors connu une embellie. C'est d'ailleurs dans ce contexte d'apaisement diplomatique entre Paris et Rome que le traité dit « du Quirinal » a pu être signé, sans ambages, le 26 novembre 2021.
Oui, mais voilà : les récentes élections législatives en Italie ont porté au pouvoir Giorgia Meloni. La situation politique italienne, source d'inquiétudes, justifie à elle seule, disons-le, notre débat d'aujourd'hui !
L'appartenance de la Première ministre au parti d'extrême droite Fratelli d'Italia et sa prétendue admiration pour Mussolini ont de quoi susciter des interrogations... J'ajouterai que les déclarations pro-poutiniennes de certains membres de son équipe gouvernementale et les discours conservateurs de certains autres font peser une menace sur les valeurs auxquelles la France est attachée.
Pour autant, ne devons-nous pas dissocier le traité, qui est un engagement de long terme entre la France et l'Italie, de la nouvelle donne politique italienne, qui, elle, est conjoncturelle par nature ? Les dirigeants passent, les traités durent...
Parce qu'il engage nos deux pays sur la voie d'une coopération étroite dans de nombreux domaines, ce traité n'est-il pas, d'une certaine façon, l'un des moyens de maintenir l'Italie dans le giron de la démocratie ? Je pense aux dispositions visant à multiplier les échanges entre nos administrations, les partenariats entre nos économies et nos territoires – ceux qui sont transfrontaliers, en particulier. Je pense également à l'article 9, qui place la jeunesse au cœur de la relation franco-italienne, ou encore aux engagements pris dans le domaine de la défense pour renforcer les coopérations capacitaires et opérationnelles, spatiales et industrielles.
Tous ces volets devraient permettre de conforter notre amitié avec l'Italie, un pays avec lequel, rappelons-le, nous avons la culture latine en partage.
Ce traité est aussi un levier pour développer une vision européenne commune, comme le rappelle son article 3, selon lequel les deux États « œuvrent ensemble pour une Europe démocratique, unie et souveraine et pour le développement de l'autonomie stratégique européenne. »
À cet égard, la Première ministre italienne a donné des gages à Bruxelles, puisqu'elle a rappelé hier devant les députés que l'Italie faisait pleinement partie de l'Union européenne et de l'Otan. « On va juger un peu sur les actes », pour reprendre la formule employée par le Président de la République, dimanche dernier. Nous verrons, mais nous pouvons parier que, en raison de sa dépendance économique au plan de relance européen – près de 200 milliards d'euros – à la suite de la pandémie, Rome ne s'éloignera guère de l'Europe, car tel n'est pas son intérêt.
Il est de la responsabilité de l'Union européenne, en retour, d'appréhender davantage les défis qui, parfois, mettent à l'épreuve la cohésion européenne. Je pense en particulier à la question migratoire, à laquelle les pays européens bordant la Méditerranée, placés en première ligne, doivent faire face. Le traité bilatéral entre la France et l'Italie qui nous occupe aujourd'hui inclut ce sujet. C'est une bonne chose, surtout si notre pays arrive à imposer les valeurs qui sont les siennes.
Mes chers collègues, ce traité laisse entrevoir, au moins sur le papier, un approfondissement de la coopération franco-italienne. Mais il nous faudra être vigilants sur son application, car ceux qui dirigent l'Italie aujourd'hui n'ont pas voté en faveur du traité lorsqu'ils étaient dans l'opposition. En attendant, il conviendra, si j'ose dire, de tirer tout le monde vers le haut et d'autoriser la ratification de ce traité approuvé à l'unanimité par nos collègues députés.
Enfin, maintenons notre confiance dans le peuple italien, car il nous faut garder à l'esprit leurs bonnes intentions originelles et nous souvenir, en signe d'espoir, d'où vient le chant Bella Ciao.
C'est pourquoi mon groupe approuvera ce projet de loi de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions.)