Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens d'abord à remercier la présidente de commission et nos rapporteurs : ils nous ont permis d'entamer ces débats dans la clarté, et cela n'était pas simple.
La crise sanitaire s'éloigne, mais gardons en tête qu'elle a été et demeure un marqueur fort de ce PLFSS, puisqu'elle a aggravé de manière inédite la situation de nos comptes sociaux. Nos finances se sont toutefois redressées de façon spectaculaire, plus vite et plus fort que prévu.
Pour autant, selon les prévisions du Gouvernement, le budget ne sera pas encore à l'équilibre l'an prochain. Il devrait même se dégrader dans les années à venir, avec des prévisions de recettes qualifiées d'optimistes par le Haut Conseil des finances publiques dans son avis sur le budget 2023.
En même temps, les dépenses de santé paraissent sensiblement sous-estimées, notamment l'Ondam de ville, avec seulement 0,5 point de plus que le rythme d'avant-covid, dans un monde à faible inflation, et sans compter le virage ambulatoire qu'il faut poursuivre, voire accélérer.
Quant au secteur hospitalier, la hausse de 4,1 % saluée par les acteurs du secteur questionne tout autant ces derniers au regard de l'inflation, de la hausse des salaires, du coût de l'énergie et d'une activité pas encore revenue à la normale, d'où les demandes légitimes pour certains hôpitaux de la pérennisation de la garantie de financement.
Je reconnais la difficulté de l'exercice qui consiste à assurer la maîtrise de nos comptes sociaux, tout en répondant aux besoins de la population et à un système de santé à bout de souffle, et ce dans un contexte économique et social plein d'incertitudes.
Malgré les efforts financiers importants consentis par le Gouvernement – il faut le dire –, malgré la deuxième place de la France parmi les pays de la zone euro qui consacrent la plus grande part de leur PIB à la santé, malgré sa septième place parmi les pays qui consacrent pour la santé le plus d'argent par habitant, notre système de santé est au bord de la rupture.
Monsieur le ministre, j'ai mis quelques années à me rendre compte que le véhicule législatif qu'est le PLFSS n'est pas vraiment adapté au pilotage de la transformation d'une politique de santé, qui nécessite une vision de long terme. (Mme la rapporteure générale de la commission des affaires sociales acquiesce.)
Cette transformation en profondeur ne peut, me semble-t-il, s'envisager qu'à travers une loi d'orientation et de programmation pluriannuelle qui fixerait un cap, ladite loi étant accompagnée par une étape de décentralisation sur les sujets de prévention et d'éducation à la santé, mais aussi par des réformes structurelles : je pense à la réforme des retraites, à la loi sur le grand âge et à un financement de la sécurité sociale plus efficient et plus lisible.
Reconnaissons quand même que la problématique centrale est le manque de médecins et que l'on ne peut l'imputer à ce gouvernement.
Après les remarques que je viens de faire, j'en reviens aux mesures concrètes de ce PLFSS, notamment à la question de l'accès aux soins, qui me paraît centrale.
Le texte prévoit un meilleur partage des tâches pour libérer du temps aux médecins et valoriser les professionnels de santé non médicaux. Notre groupe est favorable aux diverses mesures d'extension des autorisations de vaccination. Nous sommes pour que les infirmières puissent signer des certificats de décès et nous voyons d'un bon œil l'expérimentation de l'accès direct au statut d'infirmier en pratique avancée (IPA). Nos amendements, qui visaient à accélérer le déploiement de ces mesures, ont malheureusement été frappés d'irrecevabilité. Nous le regrettons, car le temps presse et nous souhaitions accélérer le mouvement.
Compte tenu du nombre important de médecins qui atteindront l'âge de départ en retraite dans les années à venir, nous sommes aussi favorables à toute mesure visant à faciliter le cumul emploi-retraite pour les inciter à poursuivre leur activité.
À nos yeux, la simplification des démarches administratives via le guichet unique, tout comme la régulation de l'intérim, va dans le bon sens.
L'autre grand sujet est celui de la prévention. C'est la première fois que nous avons un ministre de la santé et de la prévention. Quand on sait à quel point la prévention et le soin sont liés, ce titre n'est pas anodin. Sans vouloir faire preuve de cynisme, je dirai qu'il revêt aussi un caractère d'importance pour nos finances publiques : prévenir coûte moins cher que guérir.
Ce PLFSS prévoit ainsi plusieurs rendez-vous de prévention, remboursés par la sécurité sociale, à des périodes clés de la vie, afin de repérer et traiter les fragilités liées à l'âge ou les addictions, et de promouvoir l'activité physique et un mode de vie sain. Laissons les professionnels organiser de la manière la plus efficace possible ces journées de prévention.
Nous voterons bien sûr cette mesure, tout comme celles qui permettent un meilleur accès au dépistage des infections sexuellement transmissibles et à la pilule du lendemain.
J'en viens enfin à la mesure qui occupe une bonne partie de nos débats depuis plusieurs semaines maintenant : la réforme du troisième cycle des études médicales. Cette année professionnalisante est utile pour bien préparer les jeunes médecins à leur futur exercice ambulatoire. Si elle répond à leurs besoins, par un encadrement et un contenu pédagogique adapté, alors, je n'ai aucun doute qu'ils seront nombreux à s'installer là où ils ont été bien accueillis et bien formés.
Cependant, la communication autour de cet article et sa rédaction dévoilent le véritable objectif visé par certains : lutter contre la désertification médicale en déployant un bataillon de jeunes en formation.
Je crois les déclarations de nos ministres, qui sont sincères quand ils se positionnent contre la coercition. Alors, pourquoi ne pas clarifier nos intentions en mettant la formation au cœur de la réforme et au cœur de la rédaction de cet article ?
Je proposerai ainsi de l'amender sur trois critères qui me paraissent essentiels.
Tout d'abord, la supervision doit être effectuée par un maître de stage des universités.
Ensuite, cette année supplémentaire doit pouvoir être réalisée sur tout le territoire. En effet, la limitation aux zones sous-denses, dont la définition est d'ailleurs trop imparfaite, puisqu'elle concerne 80 % du territoire, est une mesure inefficace, voire contre-productive en période de pénurie de médecins.
Enfin, laissons la liberté d'opter pour un stage en hôpital de proximité en complément du stage ambulatoire : cela répond aux besoins des territoires, au décloisonnement ville-hôpital que nous appelons de nos vœux et aux aspirations des nouvelles générations pour l'exercice mixte.
Pour le reste, nous aurons l'occasion, mes collègues du groupe RDSE et moi-même, de défendre nos amendements et de nous prononcer sur les autres mesures au cours de cette semaine de débats. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)