M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, derrière les procédures administratives et judiciaires se trouvent souvent des principes essentiels de notre société.
Le philosophe John Locke, dont la pensée participa à la constitution de nos régimes démocratiques et libéraux, écrivait ainsi que « la fin capitale et principale en vue de laquelle les hommes s'associent dans les républiques et se soumettent à des gouvernements, c'est la conservation de leur propriété ».
Il va de soi qu'une telle idée suggère quelques nuances et de nombreux commentaires. Elle n'en rappelle pas moins une dimension essentielle de notre pacte social : garantir la protection du droit de propriété à nos concitoyens.
En effet, les patrimoines sont souvent le résultat du travail de chacun ; leur acquisition est souvent le fruit d'efforts et nous ne saurions admettre qu'ils fassent l'objet d'une appropriation illégitime et illicite d'autres individus, à l'image des squatteurs, sujets de cette proposition de loi.
Certes, le squat résulte de causes complexes, parmi lesquelles la précarité et le mal-logement. C'est d'autant plus vrai actuellement, alors que nous traversons une crise inédite, qui perdure et participe à la paupérisation de notre société, et que nous sommes entrés depuis plusieurs semaines dans la période hivernale. Aussi, il est impératif d'apporter des solutions à ceux qui, dans la détresse, en viennent à occuper illégalement les immeubles.
Seulement, les solutions auxquelles nous devons réfléchir ne sauraient se traduire par une forme de tolérance permissive pour le squat et les occupations frauduleuses.
Les modifications apportées au régime des procédures d'expulsion par les lois ÉLAN, puis ASAP ont permis d'offrir de premières réponses aux propriétaires lésés. Mais il est possible d'aller plus loin en affirmant encore davantage les droits des propriétaires démunis.
Dans cette perspective, les dispositifs prévus par cette proposition de loi semblent opportuns. À l'image de ce qui s'est passé à Théoule-sur-Mer l'été dernier, chacun d'entre nous trouvera dans son département des exemples de propriétaires qui ont dû faire face à des squatteurs indélogeables occupant leurs biens immobiliers.
Une telle situation est intolérable ; elle résulte souvent de la nécessité de justifier de la qualité de domicile du bien pour bénéficier de procédures accélérées. Pourquoi devoir justifier de l'usage que l'on souhaite faire de ses propriétés pour pouvoir en jouir pleinement ?
Nous ne parlons pas ici de biens sciemment mis en rétention du marché pour spéculer ; mais, hors de ce cas, les propriétés doivent être protégées efficacement.
En ce sens, la création d'une nouvelle infraction d'occupation illicite frauduleuse est satisfaisante, tout comme la révision des procédures d'expulsion normales ou simplifiées, qui s'adapteraient mieux à l'ensemble des propriétés.
Le texte permet tout de même une forme de compromis, qu'il convient de souligner, en réprimant davantage l'occupation frauduleuse lorsque celle-ci a lieu dans un domicile.
Ainsi, les domiciles restent l'objet d'un dispositif renforcé, sans pour autant que les autres propriétés soient sous-protégées.
Toujours dans un esprit de compromis et de mesure, ce texte sanctionne les personnes qui feraient la promotion du squat en publiant ce qu'on peut qualifier de « mode d'emploi » pour les squatteurs. Pour autant, le dispositif finalement retenu ne devrait pas concerner les associations luttant contre le mal-logement : c'est une bonne chose.
Néanmoins, un aspect de cette proposition de loi pourrait poser une difficulté concrète ; il s'agit des sanctions infligées aux squatteurs.
Certes, il faut renforcer l'efficacité des procédures d'expulsion et il est légitime de vouloir sanctionner davantage les squatteurs ; mais il demeure que les individus sanctionnés sont souvent des personnes en marge, dont les ressources sont réduites, voire inexistantes.
La répression est évidemment nécessaire. Seulement, il ne faut pas qu'elle conduise à un cercle vicieux maintenant les squatteurs dans la précarité. Aussi, nous nous interrogeons sur la possibilité laissée au juge de décider que la personne condamnée pour occupation frauduleuse d'un immeuble ne pourra se prévaloir, pendant une durée maximale de trois ans, des dispositifs du droit au logement opposable.
La menace d'une telle sanction dissuaderait peut-être certains ; mais, en prononçant ces peines, on empêcherait aussi le condamné d'accéder au logement, au risque qu'il récidive en occupant à nouveau frauduleusement un immeuble.
Bien entendu, nous devons compter sur le discernement des juges ; mais si cette disposition était adoptée, il faudrait être vigilant quant à l'application et à l'efficacité d'un tel mécanisme. Il ne doit pas produire pas des effets contraires à ceux espérés.
Cette remarque étant faite, les élus du groupe du RDSE voteront en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Merci !