M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les retraités agricoles d'aujourd'hui sont les agriculteurs d'hier, ceux qui ont accompagné la modernisation de notre agriculture après la guerre, ceux qui ont permis à la France de se hisser au rang de grande nation agricole dans un monde devenu de plus en plus compétitif.
Les retraités agricoles de demain, ce sont les agriculteurs d'aujourd'hui, ceux qui s'engagent dans la transition écologique au service de l'intérêt général, ceux qui se sont investis sans relâche, en pleine crise sanitaire, pour garantir à nos concitoyens des étals fournis, incarnant ainsi une part de la souveraineté alimentaire que notre collègue du groupe du RDSE, Françoise Laborde, encourage fermement. Et il n'est nul besoin de démontrer dans cet hémicycle combien les agriculteurs contribuent à l'aménagement du territoire.
Pour toutes ces raisons et en retour du rôle économique et stratégique incontournable du secteur agricole, toutes les femmes et tous les hommes qui l'animent méritent la garantie d'un revenu décent à la hauteur de leur engagement.
Or le niveau de pension moyen des retraités agricoles est le plus faible de tous les régimes, malgré des ajustements au fil des années. Je pense par exemple à la loi dite « Peiro » du 4 mars 2002, qui, en instaurant le principe d'une pension à 75 % du SMIC par le biais de la retraite complémentaire obligatoire, a amélioré les droits des retraités agricoles sans toutefois parvenir à l'objectif chiffré.
Je rappelle aussi le plan quinquennal de revalorisation mis en œuvre en 2012 qui a mobilisé près de 900 millions d'euros. Plus près de nous, la loi du 20 janvier 2014 sur les retraites a permis de faire bénéficier aux conjoints et aides familiaux des points gratuits de retraite complémentaire de manière rétroactive.
Néanmoins, ces réformes n'ont pas permis de combler l'écart entre les différentes catégories de retraités. Le constat est unanime : voir nos anciens agriculteurs toucher, pour la majorité d'entre eux, une pension inférieure à l'allocation de solidarité aux personnes âgées n'est plus tolérable. En 2017, le montant moyen de la pension de droit direct était de 700 euros ; de surcroît, il existait une inégalité criante entre les hommes et les femmes : 900 euros pour les premiers et 530 euros pour les secondes.
Certes, nous connaissons les raisons structurelles de cette situation : des parcours de carrière discontinus, un effort contributif pas toujours suffisant, un régime d'assurance vieillesse caractérisé par un fort déséquilibre démographique qui complique son financement. Plus globalement, comme l'ont souligné nos collègues rapporteurs, les faibles revenus produisent de faibles pensions.
C'est pourquoi, en marge de ce débat, je souhaitais également souligner une autre nécessité sous-jacente au problème des retraites, celle de poursuivre le travail sur la question des revenus des exploitants. Au Sénat, nous y sommes tous sensibles et nous devons continuer à encourager toutes les mesures allant dans le sens de prix véritablement rémunérateurs.
En attendant, le groupe du RDSE soutiendra la proposition de loi de nos collègues députés. Je rappelle qu'il est depuis longtemps attentif aux retraités : ainsi, deux de ses membres ont déposé en 1998 une proposition de loi allant dans le sens d'une amélioration des pensions. Par conséquent, nous appelons de nos vœux l'instauration d'une pension à 85 % du SMIC. Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole se verront ainsi garantir un revenu mensuel de 1 000 euros.
La proposition de loi porte également un intérêt à la situation des retraités ultramarins. Nous sommes sensibles à cette mesure d'équité dans des territoires qui ont des spécificités auxquelles il faut répondre afin de ne pas creuser l'écart entre l'hexagone et l'outre-mer.
Parmi les regrets que nous sommes nombreux à partager, je tiens tout d'abord à évoquer les interrogations qui existent sur le sort des retraites en cours. Sans méconnaître les enjeux budgétaires, nous attendons des réponses sur ce que l'on appelle « le stock ».
Ensuite, le texte laisse de côté la situation des conjoints collaborateurs ou aidants familiaux – je pense en particulier à la situation des agricultrices.
Comme vous le savez, mes chers collègues, la délégation aux droits des femmes du Sénat s'est penchée en 2017 sur la situation des agricultrices, qui représentent aujourd'hui un quart des exploitantes et des co-exploitants agricoles. Dans le rapport d'information que Françoise Laborde a présenté avec six de ses collègues, près de quarante recommandations ont été émises, dont quelques-unes visaient à prendre en compte la situation des agricultrices retraitées qui sont placées plus souvent que les hommes dans des situations de précarité financière.
Aussi, j'espère, monsieur le secrétaire d'État, que ce texte ne sera que le début d'une plus large réflexion sur l'avenir de tous les acteurs du monde agricole – salariés, conjoints et aidants.
À ce stade, pour permettre l'adoption d'un texte très attendu – je dirai même trop longtemps attendu, eu égard aux conditions de son examen, que personne n'a oubliées –, il est urgent de mettre en œuvre la réforme générale du système de retraite pour revaloriser les pensions des agriculteurs.
Aussi, nous comptons sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour envisager des mesures dès 2021 plutôt qu'en 2022. Dois-je rappeler que la proposition de loi a été déposée en 2016 ? Le plus tôt sera donc le mieux !
Le monde agricole nous regarde. Nous avons tous suffisamment croisé de retraités en difficulté pour savoir qu'un effort de solidarité nationale à leur égard est une reconnaissance, une obligation et un devoir moral. (Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Franck Menonville et M. le rapporteur applaudissent également.)