Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a très longtemps, l'instituteur du village faisait souvent office de secrétaire de mairie. L'intégration des communes rurales au sein de structures supracommunales et l'évolution des lois et de la réglementation ont considérablement bouleversé la nature des tâches des années 1960.
Aujourd'hui, ces agents, essentiellement des femmes,…
M. André Reichardt. Il y a des hommes aussi !
Mme Maryse Carrère. … constituent un maillon indispensable au bon fonctionnement des petites communes, principalement en milieu rural. Plus la commune est petite, plus leur rôle est décisif !
Elles mettent en œuvre les décisions du conseil municipal, gèrent les ressources humaines, participent à l'élaboration du budget, rédigent les documents administratifs et sont les interlocutrices privilégiées des usagers. Agentes dévouées sur lesquels les maires s'appuient quotidiennement, elles sont devenues de véritables couteaux suisses, comme elles aiment à se définir.
Mais ce métier est en tension : bien que les élus locaux redoublent d'efforts pour susciter des vocations, il attire de moins en moins de candidats et la pénurie va s'aggraver compte tenu des nombreux départs à la retraite qui sont prévus.
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, environ un tiers des secrétaires de mairie cesseront leur activité dans les huit prochaines années.
Les raisons de cette désaffection sont bien connues : rémunérations faibles, compétences variées requises, fortes responsabilités et obligation pour beaucoup de cumuler les postes dans plusieurs petites communes pour parvenir à un emploi à temps plein.
En outre, la formation est insuffisante et l'évolution professionnelle n'est pas assez accompagnée.
Le métier concentre à lui seul les difficultés de la fonction publique territoriale.
Cette vague de départs pousse les maires à recruter des profils qui n'ont pas forcément de compétences territoriales ou à procéder dans l'urgence à des mutualisations de postes de secrétaire de mairie, ce qui alourdit encore plus la charge de travail de ces agents.
Au mois de novembre 2021, Amélie de Montchalin, alors ministre de la transformation et de la fonction publiques, promettait plusieurs évolutions « dans un souci de valorisation et de reconnaissance du métier » : une nouvelle appellation de la fonction – « secrétaire général de mairie » –, une revalorisation indiciaire, un accès facilité aux contrats santé et prévoyance, ainsi que des améliorations en matière de formation.
L'idée était intéressante. Pourtant, force est de constater que l'on n'a pas beaucoup avancé sur le sujet. En effet, une seule mesure a été mise en œuvre : la nouvelle bonification indiciaire (NBI) a été revalorisée de quinze points au 1er mars 2022 pour les secrétaires de mairie des communes de moins de 2 000 habitants. Cette mesure est toutefois limitée, comme l'a rappelé notre rapporteure, puisqu'elle ne concerne pas les agents contractuels. En outre, toutes les communes ne semblent pas avoir pris l'arrêté permettant sa mise en place.
La réponse nous semble donc bien insuffisante face au défi qu'il nous faut relever.
Le Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales a organisé, au mois de septembre dernier, un colloque intitulé : Secrétaire de mairie : « espèce » menacée de la territoriale ou clé de voûte du bloc local au XXle siècle ? Tout est dit !
C'est pourquoi je salue l'initiative de nos collègues du groupe CRCE, ainsi que le travail de notre rapporteure. Le texte que nous examinons ce matin vise à répondre à un impérieux besoin dans nos territoires et à relancer l'attractivité de ce métier mal connu et mal reconnu.
Je me félicite notamment de l'introduction d'une formation initiale obligatoire propre aux secrétaires de mairie. Adaptée à la spécificité de leurs missions, elle sera dispensée par le CNFPT dans l'année qui suit la prise de poste. C'est une excellente chose !
La proposition de loi, telle qu'elle résulte des travaux de notre commission, met également en place les moyens de leur garantir des perspectives d'évolution de carrière.
Enfin, notre commission a introduit une nouvelle disposition afin de permettre aux communes de 1 000 à 2 000 habitants de recruter des agents contractuels aux postes de secrétaires de mairie. Cette disposition fait débat, y compris au sein du groupe du RDSE. Pour autant, pouvons-nous priver ces communes de la possibilité de recruter un agent contractuel au poste de secrétaire de mairie à temps complet ? Je ne le pense pas. Veillons toutefois à préserver l'évolution dans la fonction publique territoriale.
Monsieur le ministre, vous avez lancé le 1er février dernier les travaux sur l'accès à la fonction publique, sur les parcours et les rémunérations des agents. J'espère que cette réforme d'ampleur sera l'occasion de relancer l'attractivité du métier de secrétaire de mairie.
Avec cette proposition de loi, que le groupe du RDSE votera à l'unanimité, nous vous ouvrons la voie. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, GEST et SER, ainsi que sur des travées du groupe UC.)