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Projet de loi de finances pour 2019 : sécurités

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell.

 

 

M. Guillaume Arnell. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après les deux exercices exceptionnels de 2016 et 2017 pour le ministère de l'intérieur, où la priorité opérationnelle a été donnée à la lutte contre le terrorisme, les crédits consacrés à la mission « Sécurités » en 2019, comme en 2018, traduisent la volonté du Gouvernement de réorienter les efforts vers la sécurité et la paix publique des Français au quotidien.

Toutefois, la menace terroriste n'a pas disparu : elle a évolué d'une forme exogène vers une forme endogène, comme l'a constaté François Molins. Nos services de renseignements et forces de l'ordre, au-delà des renforts budgétaires et humains, vont bénéficier dans les années à venir d'un cadre légal plus favorable pour lutter contre le terrorisme.

Monsieur le secrétaire d'État, nous soutenons votre volonté d'accompagner le changement de perception d'insécurité de nos concitoyens, que les attentats ont profondément altérée. Il faut absolument empêcher la pérennisation d'un sentiment de méfiance généralisée et rétablir la concorde.

C'est la philosophie de la « police de sécurité du quotidien », qui est actuellement expérimentée. C'est aussi le sens de l'amendement de notre collègue Nathalie Delattre, qui vise à rassurer les Français dans leurs activités de loisir.

Si l'on s'attarde sur les conditions matérielles d'exercice des femmes et des hommes qui concourent bravement à la sécurité de notre pays, nos rapporteurs ont relayé leurs craintes, en matière d'équipement et surtout d'organisation du temps de travail, après la décision de la Cour de justice de l'Union européenne, qui invalide le système d'astreintes.

Sur le premier point, l'équipement, nous nous interrogeons sur les difficultés liées à la passation des commandes. Celle-ci permet-elle une réactivité suffisante selon la priorité opérationnelle du moment ? Les rapporteurs ont posé la question de la flotte vieillissante des véhicules, mais on pourrait y ajouter celle de la généralisation des tenues ignifugées.

Enfin, une évaluation de l'utilité des nouveaux outils technologiques est nécessaire, alors que les actions récursoires en cas de casse ou de perte exposent financièrement les agents, qu'il s'agisse de la mise à disposition de téléphones portables équipés de logiciels de consultation de fichiers ou aux caméras mobiles.

Je m'interroge sur l'angle d'approche de nos rapporteurs quant aux conséquences de la jurisprudence européenne. Ne s'agit-il pas d'un défi managérial de réorganisation du temps de travail, plutôt que d'une lacune budgétaire ?

D'autres réformes attendent le ministère de l'intérieur : des transformations internes, avec, dans le mouvement Action publique 2022, la conduite d'une réflexion sur l'équilibre des moyens entre l'administration centrale, qui peut paraître hypertrophiée, et les services déconcentrés sur tout le territoire, en métropole comme outre-mer. La réduction des tâches indues doit être recherchée par le dialogue interministériel, afin de permettre des redéploiements utiles d'effectifs et de rapprocher les agents des missions qui ont fait naître leur vocation.

J'avais constaté l'importance du dispositif d'escorte nécessaire au centre de rétention administrative de Vincennes. Dans un ministère particulièrement exposé à la brutalité des rapports humains et à la mort, le renforcement de l'accompagnement psychologique paraît nécessaire ; il ne doit pas reposer seulement sur des entreprises associatives, comme celle du domaine de Courbat, qui accueille les forces de l'ordre victimes de burn-out.

L'évolution des attentes de la société concernant la lutte contre les violences sexuelles et familiales devrait faire l'objet d'une réflexion et d'adaptation des pratiques, en concertation avec le ministère de la justice.

Un autre chantier majeur est celui de l'évolution du continuum de sécurité associant les forces de sécurité nationales, locales et privées. Parallèlement à l'augmentation des effectifs de police municipale, soit 21 500 personnes en 2016, les dernières évolutions législatives prises dans le contexte terroriste ont organisé la montée en puissance des activités privées de sécurité.

En particulier, les lois de 2017 ont marqué un changement de paradigme, avec, comme le formule le Conseil national des activités privées de sécurité, le CNAPS, la « consécration de la place de la sécurité privée comme un acteur à part entière de la sécurité globale de la Nation ». Entre 2012 et 2017, le Conseil a ainsi délivré plus de 363 000 cartes professionnelles d'une durée de validité de cinq ans.

Certes, cette évolution crée de la richesse et des emplois : les entreprises de la prévention et de la sécurité représentent aujourd'hui 7,1 milliards d'euros de chiffre d'affaires et près de 165 000 salariés, soit approximativement la somme des crédits « dépenses de personnel » de la gendarmerie et le nombre d'agents de la police nationale...

Prenons garde à ne pas sous-estimer la portée de ces changements, en particulier l'extension du port d'arme à certains agents privés. Le risque existe de voir augmenter le nombre d'armes en circulation sur notre territoire, sans un contrôle rigoureux des modalités de leur conservation au domicile des agents.

De la même manière, le recours aveugle à des agents contractuels à des fonctions support pourrait mettre en danger les effectifs des commissariats et gendarmerie, en offrant un accès privilégié à leurs coordonnées et à leur vie familiale.

Monsieur le secrétaire d'État, la plupart des membres du groupe du RDSE voteront donc les crédits de la mission « Sécurités », avec la confiance dans votre capacité de relever ces défis et avec pour soutien ces mots de Georges Clemenceau : « Un homme de gouvernement qui doit agir a d'autres soucis que l'homme d'opposition, dont la parole n'engage que lui et dont les théories ne s'inquiètent pas du possible. » (M. Jean-Marc Gabouty applaudit.)

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