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Débat suite à la déclaration de politique générale

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le Premier ministre, vous ouvrez cette semaine devant le Parlement l'acte II du quinquennat du Président de la République.

L'écoute et le dialogue étant à notre sens les premiers attributs d'un élu – nous les mettons d'ailleurs en application –, c'est avec responsabilité que nous tirerons les conséquences de votre déclaration de politique générale au travers de notre vote, en gardant constamment en tête les besoins de tous nos territoires. Tel est en effet, monsieur le Premier ministre, le sens profond que nous donnons à notre fonction d'élus de la Nation, nous qui incarnons la démocratie représentative, loin des mirages du mandat impératif.

Avant toute chose, nous savons combien notre époque est celle d'un bouleversement des repères. Le monde est en train de redéfinir ses équilibres géopolitiques en basculant vers le Pacifique. L'Europe politique est à la recherche d'un nouveau souffle pour s'incarner. Le modèle économique est allé au bout de sa logique ultraproductiviste, ce « capitalisme devenu fou » dont a parlé le Président de la République à Genève. La transition écologique est devenue une nécessité absolue, qui doit dépasser les clivages partisans et à laquelle les Français ont montré leur attachement lors du scrutin européen.

Notre pays n'échappe évidemment pas à ces mouvements profonds, parfois chaotiques, qui mettent à mal la promesse républicaine d'égalité. La crise des gilets jaunes, avec ses demandes de justice sociale, mais aussi ses outrances inacceptables, en est le symptôme paroxystique. Nous l'avons suffisamment rappelé à cette tribune.

Mon groupe, pour sa part, refusera toujours de s'incliner devant la pression de la rue. Nous tirons notre légitimité du seul suffrage universel. C'est pourquoi nous ne céderons pas au pessimisme béat des « déclinistes » de tous bords, thuriféraires du statu quo. Rien n'est plus faux ! Depuis 2017, nous sommes bien placés pour savoir que de nombreuses réformes ont été votées : la réforme de la SNCF, les ordonnances Travail, la loi ÉLAN – évolution du logement, de l'aménagement et du numérique –, ou encore la modernisation de la formation professionnelle.

Oui, il y a des signaux encourageants : la France est redevenue attractive pour les investisseurs étrangers, les créations nettes d'emplois progressent et le pouvoir d'achat s'améliore lentement.

Votre gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, a également pris des mesures fortes et significatives pour nos finances publiques, afin de répondre à des demandes légitimes : annulation de la hausse de la CSG sur les retraites, report des hausses des prix du carburant et des taxes sur l'énergie, facilitation des primes exceptionnelles.

Vous avez certes répondu à une demande urgente de revalorisation du pouvoir d'achat, première préoccupation de nos concitoyens, comme l'a montré le grand débat. Mais convenez que ce n'est pas suffisant : la souffrance qui s'est exprimée ne peut rester sans réponse structurelle.

Monsieur le Premier ministre, il existe certes une culture de gauche et une culture de droite, comme vous l'avez dit. Néanmoins, vous le savez, la bipédie suppose un équilibre harmonieux entre les deux jambes : celle de droite, déjà bien nourrie, et celle de gauche. Or notre pays ne peut plus se permettre de claudiquer, parce qu'une jambe serait hypertrophiée par rapport à l'autre. Il est temps de corriger ce déséquilibre.

Peut-être est-ce d'ailleurs ce que vous avez voulu signifier en déclarant que vous souhaitiez « remettre de la proximité et de l'humain » dans votre politique. Mais comment allez-vous concilier ce besoin de proximité, que vous redécouvrez, avec la constance et la cohérence que vous avez rappelées ? Peut-être est-ce aussi la raison pour laquelle votre ministre de l'action et des comptes publics affirmait la semaine dernière vouloir « parler davantage au peuple ».

Sur le principe, ces inflexions ne peuvent que nous convenir. Je vous le disais d'ailleurs le 6 décembre dernier : nous serons avec vous pour soutenir des mesures simples et concrètes répondant aux besoins de nos concitoyens, à rebours de la technocratie qui a sclérosé notre pays.

Oui, nombre de vos annonces vont dans le bon sens, même si elles ne manquent pas de susciter des interrogations.

Quid du plan Pauvreté, qui semble au point mort ? Comment allez-vous financer la suppression de la taxe d'habitation tout en relançant la péréquation horizontale ? Quelles dépenses publiques allez-vous réduire pour financer les baisses d'impôt ? Quelle vision de la laïcité souhaitez-vous défendre pour combattre les fractures communautaristes ? Comment l'État peut-il faire pour mieux accompagner les collectivités dans leurs projets de développement et de soutien à l'ingénierie – je pense ici à notre proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires ?

Vous le savez, ce que mon groupe attend, ce sont des actes forts. Pour nous, la promesse républicaine de l'égalité n'est ni une chimère ni une relique.

Or, chaque semaine, nous voyons sur le terrain des femmes et des hommes en souffrance, des territoires victimes de fractures anciennes et profondes.

Ce sont les zones rurales, abandonnées par Paris, qui accumulent fermetures de services publics et facteurs d'enclavement. Ce sont les zones urbaines populaires, qui subissent les retards économiques et sociaux depuis trop longtemps. Ce sont encore les zones périurbaines, trop excentrées des métropoles pour bénéficier de leurs richesses, mais où la classe moyenne doit vivre, contrainte de travailler dans les grandes villes malgré la saturation des transports.

Tous ces citoyens ne réclament pas l'aumône. En effet, le déclin prophétisé par certains n'est pas inexorable. Ce que nos concitoyens veulent, c'est de la considération, le respect de leur dignité ou, pour le dire avec vos mots, de la « civilité ». Nous n'avons pas oublié, par exemple, le triste épisode de la fin de non-recevoir opposée à la revalorisation des pensions de retraite agricole.

Vous avez encore évoqué la défiance qui se serait accentuée entre les Français et leurs représentants ou l'administration. Vous y apportez comme principale réponse votre réforme institutionnelle, dont l'essentiel ne soulève pas de difficultés majeures. Bien sûr, la question de la réduction du nombre de parlementaires est sensible, non pas parce que nous serions corporatistes – caricature que l'on fait de nous pour mieux nous stigmatiser –, mais bien parce qu'il est question de représenter au mieux les citoyens et les territoires.

Monsieur le Premier ministre, le Sénat est la chambre dans laquelle résonnent les voix de tous les territoires qui font la France. Toujours dans le respect et le dialogue, je vous propose de poursuivre vos échanges avec le Sénat en appliquant cette méthode. Il sera toujours temps ensuite, s'il le faut, de demander leur avis aux Français. Cela étant, vous savez mieux que moi que d'aucuns s'y sont essayés sans succès… (M. le Premier ministre sourit.)

Pour l'heure, les votes au sein du groupe du RDSE seront divers ; c'est notre liberté de ton. (Exclamations amusées.) Certains, la majorité des membres du groupe, approuveront votre déclaration de politique générale. Mais n'y voyez pas un blanc-seing ! (Sourires.)

M. Julien Bargeton. Bien sûr !

M. Martial Bourquin. Nul n'est parfait !

M. Jean-Claude Requier. D'autres s'abstiendront, car ils attendent avec vigilance que les engagements se transforment en actes. Les derniers, enfin, voteront contre, car ils ne se retrouvent pas dans votre ligne politique. (Rires.)

M. Max Brisson. Et les autres ?...

M. Jean-Claude Requier. Cependant, ne doutez pas que nous placions tous la réussite de notre pays au-dessus des contingences.

En résumé et en conclusion, monsieur le Premier ministre, restez à 80 kilomètres par heure pour les mesures libérales, mais accélérez à 90 kilomètres par heure pour les mesures sociales et territoriales ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

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