Projet de loi d'orientation des mobilités
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Éric Gold. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, présenté comme le projet de loi le plus ambitieux en matière de transports depuis la loi d'orientation des transports intérieurs de 1982, ce texte a pu susciter une certaine forme de déception chez ceux qui attendaient une véritable révolution dans le domaine.
Néanmoins, force est de constater que nous sommes nombreux à saluer les avancées de ce texte, en particulier son orientation stratégique qui permet de mettre enfin l'accent sur les mobilités du quotidien, grâce notamment au rôle renforcé des collectivités locales. Nous sommes aussi nombreux à saluer l'esprit d'ouverture du Gouvernement, ainsi que la prise en compte des attentes des différents groupes par le rapporteur.
À la lecture de ce projet de loi, un double enjeu apparaît très clairement : celui de désenclaver le territoire, tout en luttant contre la pollution liée aux transports. En effet, les deux objectifs ne sont pas contradictoires si l'on sait s'en donner les moyens.
Je ne peux pas entamer mon intervention sans évoquer la forte hausse du nombre des morts sur les routes depuis le début de l'année. Cette augmentation particulièrement inquiétante nous rappelle que toute politique de prévention doit s'accompagner d'une politique de répression efficace. La dégradation des radars automatiques ces derniers mois a entraîné une baisse de la vigilance qui doit inciter les pouvoirs publics à agir rapidement. Début mars, 75 % des radars étaient encore endommagés : il faut engager des réparations et des mesures de protection ou de remplacement au plus vite.
Au-delà de la perte de nombreuses vies humaines, cette question nous interroge sur les capacités d'investissement de la France en matière de transports.
Depuis la présentation de ce projet de loi, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer l'instabilité du financement de l'Afitf, en raison notamment de l'instabilité du produit des amendes-radars. Il manque des centaines de millions d'euros à l'Agence pour qu'elle puisse mener à bien ses projets et concrétiser l'ambitieux plan d'investissement de l'État en la matière. Certes, un cap clair et innovant est fixé, mais comment s'en réjouir tant que l'on ignore comment il sera financé ?
C'est pourquoi, considérant qu'il fallait être à la hauteur des enjeux, les sénateurs ont fait le choix d'inscrire dans la loi des ressources pérennes et sanctuarisées pour l'Afitf. Nous espérons que cette position sera partagée par nos collègues de l'Assemblée nationale. Nous attendons aussi beaucoup du Gouvernement, qui nous promet des solutions issues du grand débat dans le prochain projet de loi de finances.
Le Sénat a également fait le choix de renforcer les moyens des collectivités, afin qu'elles puissent pleinement assumer leur mission d'autorités organisatrices de la mobilité. Madame la ministre, vous avez porté l'ambition de couvrir 100 % du territoire en autorités organisatrices de la mobilité, en affirmant qu'il n'y aurait pas de transfert de compétences sans ressources adaptées. Vous renvoyez sur ce point à la prochaine grande réforme de la fiscalité locale. Nous en prenons acte, même si nous aurions préféré l'inscrire dès maintenant dans la loi.
En effet, ce qui est fait n'est plus à faire,…
Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas fait !
M. Éric Gold. … d'autant que la fracture territoriale et sociale tend à s'accroître, une fracture qui divise la France des métropoles et la France des territoires, délaissée, abandonnée, menacée par des décennies de sous-investissement.
Une politique centrée autour des bassins de mobilité et des élus locaux permettra certainement de pallier certaines défaillances actuelles. La décentralisation renforcée, que nous appelons tous de nos vœux, prend forme peu à peu. Elle nécessite néanmoins, comme l'a très justement rappelé notre collègue Ronan Dantec, une forte péréquation et une solidarité nationale assumée.
Hors des grandes agglomérations, la voiture demeure indispensable. À l'échelle du pays, la voiture reste même le mode de déplacement domicile-travail de plus de 70 % des actifs. Il est donc essentiel d'accompagner les transitions dans ce domaine, sans tabou.
Il faut bien sûr favoriser les transports en commun : c'est l'une des raisons pour lesquelles les collectivités doivent être accompagnées. Il convient également de renforcer le maillage territorial des lignes ferroviaires, qui apparaît comme une étape indispensable à l'émergence d'une mobilité du quotidien moins dépendante de la voiture. Ces petites lignes qui structurent l'espace doivent absolument être préservées et seront, j'en suis sûr, l'un des maillons essentiels de la mobilité de demain.
Nous saluons à ce titre l'adoption d'un amendement, soutenu notamment par notre groupe, qui permet la gestion de certaines lignes par les régions qui en feraient la demande. Je me réjouis aussi de l'adoption d'un amendement permettant d'inscrire une possibilité de concomitance des travaux de modernisation et de régénération sur les lignes d'équilibre du territoire, trop longtemps délaissées et pour lesquelles le temps de parcours s'est beaucoup allongé en trente ans, mais qui restent tout aussi primordiales pour la mobilité et le désenclavement.
Nous aurions toutefois souhaité voir émerger des engagements plus fermes en ce qui concerne la vente des véhicules thermiques neufs. Près de 94 % des voitures présentes sur le territoire fonctionnent encore avec un moteur thermique. La marge de progression est immense : elle doit inciter l'État et les parlementaires à s'engager de manière plus énergique. Si nous voulons la fin des véhicules thermiques en 2040 et la neutralité carbone en 2050, il nous reste beaucoup de chemin à parcourir.
Malgré une délivrance soumise au bon vouloir de l'employeur, le « forfait mobilités durables » donne un premier signal positif aux usagers en les incitant financièrement à opter pour des modes de transport moins polluants.
Parmi les autres signaux positifs votés par le Sénat avec le soutien du groupe du RDSE, il faut citer l'inscription de la réduction des émissions de gaz à effet de serre parmi les objectifs visés au travers de la stratégie et de la programmation des investissements de l'État dans les transports, le rehaussement de la part minimale de véhicules à faibles émissions dans les flottes de véhicules d'entreprise, ainsi que des mesures visant à réduire la pollution des navires.
Sur proposition du RDSE, le Sénat a également souhaité étendre à tous les territoires la possibilité de créer des zones à faibles émissions. Pour des raisons prioritaires de santé publique, il était important de supprimer le seuil initial de 100 000 habitants.
Puisqu'il est question de santé publique, j'aimerais achever mon propos en saluant les mesures importantes qui ont été prises en faveur du vélo, même si ce mode de déplacement ne peut pas être utilisé partout avec la même facilité. Associées au grand plan mis en place par le Gouvernement, elles permettront de renforcer la place de ce mode de transport vertueux, à la fois pour l'environnement et pour la santé.
Vous l'aurez compris, le groupe du RDSE salue les avancées portées par ce projet de loi, notamment les 23 amendements qu'il a fait adopter et qui reprennent pour partie des mesures contenues dans la proposition de loi visant à faciliter le désenclavement des territoires. Nous voterons donc à la quasi-unanimité en faveur de ce texte, largement enrichi par le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche.)
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