Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 - nouvelle lecture
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE – Mme Jocelyne Guidez applaudit également.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, après une première lecture dont la fin a été précipitée par l'attente des annonces gouvernementales, nous voici réunis pour examiner le projet de loi en nouvelle lecture.
Ce PLFSS comporte de bonnes mesures. Certains risques seront mieux couverts grâce à la création d'un congé pour les proches aidants, d'un nouveau fonds d'indemnisation pour les victimes de maladies liées aux pesticides ou encore d'un service public de versement des pensions alimentaires.
Par ailleurs, 500 millions d'euros seront dégagés pour le grand âge et l'autonomie. De nouveaux financements combinés interviendront pour les hôpitaux. Un forfait de soin post-chirurgie du cancer, dispositif abondé à hauteur de 10 millions d'euros, est instauré. On pourrait aussi évoquer les efforts faits pour la psychiatrie et les soins de suite et de réadaptation, les SSR.
Nous nous félicitons, enfin, de la reprise par les députés de certains amendements sénatoriaux, dont celui que j'ai défendu sur la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat dans les établissements et services d'aide par le travail, les Esat.
Au titre des mesures du plan Hôpital, vous avez annoncé 1,5 milliard d'euros supplémentaires sur trois ans, la reprise du tiers de la dette de l'hôpital, à hauteur de 10 milliards d'euros, et une série de primes nouvelles pour certains soignants. S'agissant de la reprise de la dette, qui a été bien reçue par les établissements, des interrogations persistent, en particulier concernant les hôpitaux qui vont en bénéficier. Cette reprise partielle ne risque-t-elle pas de remplacer certaines subventions aux opérations d'investissement ? Un éclaircissement sur ce point, madame la ministre, serait le bienvenu.
Ce plan, complété par la pluriannualité des financements, tant attendue par les professionnels, est salué par les établissements hospitaliers publics, qui retrouvent des marges de manœuvre permettant d'améliorer le quotidien des soignants et des patients. On doit le saluer !
Toutefois, une incompréhension a émergé au sein des établissements privés à but non lucratif, qui assument pour la plupart des missions de service public. Sur certains territoires éloignés des CHU, ils peuvent même être les seuls établissements à proposer une offre de soins et à la structurer. Comme leurs homologues du secteur public, ils font face à des baisses considérables de tarifs depuis de trop nombreuses années, tout en supportant des charges plus élevées : par exemple, une prime de 100 euros au personnel coûte 146 euros à l'hôpital public, contre 201 euros à un établissement de santé privé d'intérêt collectif, un Espic. Madame la ministre, ces nouvelles mesures n'auraient-elles pas pu profiter à toutes les filières de soins qui concourent à une mission d'intérêt général ?
Concernant la prime de 800 euros, si elle est la bienvenue pour les personnels qui la percevront, il apparaît inéquitable d'en limiter le bénéfice aux seuls soignants des hôpitaux de Paris et de la petite couronne. D'autres régions font face à de fortes pénuries de personnel et à un coût de la vie élevé. Je prendrai l'exemple, que je connais bien, des zones frontalières, qui pâtissent d'un différentiel important de salaires par rapport aux pays limitrophes, notamment en ce qui concerne les professions paramédicales. Quand le salaire d'une infirmière est en France de 1 700 euros, il est de 3 200 euros au Luxembourg, à ancienneté et à compétence égales. Ainsi, les professionnels que nous formons en France sont aspirés par les pays voisins. Certains établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du nord de la Lorraine fonctionnent aujourd'hui avec zéro CDI d'infirmier et uniquement grâce à des intérimaires...
L'intérim, justement, est un problème qu'il faut absolument résoudre, et je vous sais combative sur le sujet, madame la ministre. Sa facture est évaluée à 500 millions d'euros par an, soit l'équivalent d'une centaine de milliers de postes d'infirmier.
Vous avez pris une mesure de plafonnement de la rémunération. Toutefois, aujourd'hui, faute d'application uniforme du décret, les établissements ayant tenté de s'y conformer s'en sont trouvés pénalisés. Au CHRU de Nancy, par exemple, dans la semaine suivant le début de l'application du décret, plus aucun intérimaire n'a accepté de revenir travailler. Certaines opérations ont dû être reportées, avec les risques que cela fait peser sur la santé des patients. Certes, le problème est complexe et je ne jette la pierre à personne, mais tout cet argent dépensé pour l'intérim ne pourrait-il pas être utilisé de meilleure manière, notamment pour revaloriser les salaires ? Quelles autres propositions pouvez-vous faire pour améliorer cette situation si difficile ?
Tant que nous n'aurons pas agi structurellement sur le niveau des salaires, il sera difficile de redonner de l'attractivité aux professions de santé, qui demandent rigueur et exigence et dont nous avons tant besoin. La revalorisation par prime est la bienvenue, mais elle ne devrait être qu'une étape vers la revalorisation des salaires. La France se classe au vingt-sixième rang des vingt-neuf pays membres de l'OCDE pour les salaires des infirmiers. On pourrait également parler des salaires des praticiens hospitaliers ou des tarifs des consultations des médecins.
Cela étant, cette situation ne date pas d'hier. Qui pourrait affirmer pouvoir remédier, au travers d'un seul budget, à des décennies d'errements, de manque d'anticipation, à des années de tarification à l'activité, de baisse des tarifs et de non-revalorisation des salaires ?
Rappelons que l'Ondam, désormais fixé à 2,4 % pour 2020, s'établissait à 1,7% en 2016. Nous sommes arrivés au bout de ce système qui demande toujours plus d'économies au secteur de la santé, et il est salutaire que le Gouvernement en ait pris conscience. La transformation du système de santé engagée doit contribuer, à moyen et à long termes, à améliorer la situation.
Si le PLFSS, enrichi des mesures du plan Hôpital, ne résoudra pas d'un coup de baguette magique la crise que nous traversons, il constitue une première réponse, que nous saluons. La suite des débats déterminera notre vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Colette Mélot et M. Martin Lévrier applaudissent également.)
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