Projet de loi organique et du projet de loi relatifs à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et prorogeant le mandat des membres de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en 2008, l'introduction d'un cinquième alinéa à l'article 13 de notre Constitution fut l'une des innovations destinées à « reparlementariser » nos institutions, selon l'expression du constitutionnaliste Jean Gicquel.
D'inspiration américaine, cette disposition visait à étendre le contrôle des assemblées à certaines nominations au sein de l'administration qui sont effectuées par le Président de la République « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation ».
Ce contrôle a également été introduit au moment où l'activité administrative se recomposait. C'est en grande partie la conséquence de l'influence du droit de l'Union européenne, qui a entraîné la prolifération d'autorités de régulation du secteur économique, afin de réduire au strict minimum les interférences entre la sphère politique et la sphère économique, dans une stricte logique libérale.
Les pouvoirs autrefois dévolus à des services placés sous l'autorité de ministres sont donc à présent confiés à des autorités administratives à géométrie variable, qu'elles prennent la forme d'autorité administrative indépendante ou d'agence.
Comme l'avait noté notre ancien collègue Jacques Mezard dans un rapport qui continue de faire référence, leur indépendance vis-à-vis du politique varie d'une autorité à l'autre, malgré les tentatives de simplification. Dans tous les cas, elle soulève un problème de responsabilité et de faculté à rendre compte de ses actes devant les représentants de la Nation, comme autrefois les ministres sous l'autorité desquels ces actes étaient pris.
Dans ce contexte, il était devenu impératif d'associer le Parlement à ces nominations, ainsi qu'à celles aux fonctions de direction des autorités chargées de la défense des droits et libertés de nos concitoyens, afin qu'il puisse jouer son rôle de contre-pouvoir, même a minima.
Si les projets de loi qui nous sont aujourd'hui soumis visent essentiellement à actualiser la liste des emplois publics soumis à la procédure prévue à l'alinéa 5 de l'article 13, comme il est expliqué dans leurs exposés des motifs, il convient de ne pas perdre de vue l'esprit de ce dispositif.
Dans le détail, en effet, les dispositions proposées par le Gouvernement s'inscrivent dans la continuité de récentes réformes de différents secteurs économiques, anticipant même parfois leur entrée en vigueur. Les plus fins juristes de cette assemblée ont déjà évoqué les limites juridiques d'une telle impatience... Attention à ne pas réduire la ratification d'une ordonnance à une simple formalité ! Je n'y reviendrai pas.
Certaines des modifications proposées ont une faible portée et visent parfois à procéder à de simples coordinations. Je pense au remplacement de l'Arafer par la nouvelle Autorité de régulation des transports dans la liste par exemple...
Comme l'a souligné notre rapporteur, d'autres modifications sont plus problématiques, car elles réduisent le champ du contrôle exercé par le Parlement et s'inscrivent à rebours de l'Histoire.
C'est le cas des nominations au sein de la SNCF, à la suite de la transformation du groupe national ferroviaire. Nous accueillons donc avec beaucoup de satisfaction les modifications introduites en commission, lesquelles visent à maintenir un droit de regard minimal des élus de la Nation sur le fonctionnement interne de ces structures d'intérêt national.
De la même manière, nous nous félicitons que la nomination du président de la CADA soit soumise à la procédure de l'article 13.
Nous souhaiterions par ailleurs ouvrir le débat sur deux questions.
Nous avons tout d'abord déposé un amendement visant à proposer l'intégration de la direction générale de l'Agence nationale pour la sécurité des systèmes d'information à la liste.
L'importance de la mission de cette autorité, tant pour la vie économique de la Nation que pour la garantie des droits et des libertés en ligne de nos concitoyens, ne fait aucun doute. L'Agence joue ainsi un rôle d'information auprès de nos entreprises, mais également de nos administrations, afin de les protéger de tentatives d'ingérence extérieures.
Pour que le Parlement puisse donner son avis sur la nomination de son directeur général, il faut modifier son mode de désignation. Alors qu'il est actuellement désigné par le Premier ministre, il faut qu'il soit désormais nommé par le Président de la République, toujours sur proposition du Premier ministre.
Nous souhaitons ensuite engager un débat sur la nature du contrôle exercé par nos commissions, afin de le rendre plus effectif. Il s'agit d'un vaste sujet, qui agite les théoriciens du droit, mais qui a également mobilisé le Conseil d'État, lequel a, en 2017, rejeté une requête du Président du Sénat tendant à l'annulation d'une nomination. La décision des juges de la place du Palais royal contraint désormais les commissions parlementaires à se prononcer dans un délai raisonnable de huit jours.
Par ailleurs, le groupe du RDSE a déjà pris position en faveur d'une inversion de la règle d'opposition aux trois cinquièmes, mais il s'agit là d'un débat constitutionnel.
Pour ce qui nous concerne aujourd'hui, et dans la continuité de nos travaux précédents, nous proposons d'aborder ce sujet par la question du contenu du contrôle effectué, en prévoyant notamment, dans le projet de loi organique, que celui-ci a particulièrement pour objet de lutter contre les cumuls et de prévenir les conflits d'intérêts.
De façon générale, nous serons particulièrement attentifs à toutes les initiatives destinées à renforcer la qualité de ce contrôle, afin de le rapprocher davantage de celui effectué dans d'autres démocraties, comme les États-Unis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
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