Projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce troisième texte législatif sur la santé en dix ans intervient dans un contexte toujours plus tendu sur nos territoires, qui vivent durement les inégalités d'accès aux soins et expriment des attentes très fortes à court et à moyen termes, mais également dans les services hospitaliers. Je veux, à ce sujet, profiter de cette tribune pour rappeler le soutien du groupe du RDSE aux professionnels médicaux et paramédicaux, qui se démènent pour maintenir un haut niveau de service et de prise en charge malgré les difficultés rencontrées au quotidien.
Il n'est pas inutile de rappeler que ce projet de loi n'est pas un texte de financement. Comme son intitulé l'indique, il propose une réorganisation des soins, notamment ambulatoires. Il s'agit de ne pas donner de faux espoirs à ceux qui s'attendraient, dès demain matin, à une arrivée massive de médecins qui, comme avant, s'installeraient seuls, sur le modèle d'un médecin par village ou par quartier.
Ne nous mentons pas, la situation que nous connaissons aujourd'hui résulte d'un manque d'anticipation des politiques de santé successives, notamment de la baisse du numerus clausus entre les années 1980 et 2000, ainsi que du vieillissement de la population, de l'explosion des maladies chroniques, ou encore des aspirations des jeunes professionnels, qui plébiscitent la pratique en équipe pluriprofessionnelle. Face à ces enjeux multiples, aucune mesure, aussi forte soit-elle, ne résoudra, à elle seule, la situation.
Ainsi, la suppression du numerus clausus, que nous saluons, s'apparente davantage à une augmentation du nombre de médecins formés et ne portera ses fruits que dans dix ou quinze ans.
Comme je le disais précédemment, ce projet de loi a pour ambition de répondre aux attentes très fortes des Français, pour qui la santé figure toujours parmi les premières préoccupations.
Il en est de même pour les élus, qui expriment le souhait d'être davantage intégrés aux processus de décision en matière de santé sur leurs territoires. Ce texte y répond par certains aspects ; j'ai à l'esprit, par exemple, l'amendement déposé par mon groupe, qui associe le comité territorial des élus locaux à la stratégie des groupements hospitaliers de territoire, les GHT.
Les attentes sont également fortes du côté des professionnels de santé qui, lors de la mission que j'ai menée avec mes collègues Catherine Deroche et Yves Daudigny, nous ont fait part de leur crainte d'une suradministration de la santé au détriment du soin et des difficultés qu'ils rencontrent : surcharge de travail et multiplication des outils souvent peu lisibles et complexes.
Je me réjouis ainsi de l'adoption d'un amendement, défendu par mon groupe, qui visait à simplifier les dispositifs d'appui à la coordination des parcours de santé, et je me félicite de la philosophie globale du texte, qui pose un cadre souple et laisse les professionnels s'organiser sans contrainte excessive. Il faudra néanmoins renforcer l'information et l'accompagnement de ces professionnels, afin de garantir l'efficience des dispositifs existants, car c'est bien grâce à eux, et à la coopération des collectivités, que les changements attendus se matérialiseront sur le terrain.
Comme je le disais, à la question de savoir ce que l'on peut-on attendre de texte, il nous est impossible de répondre : une arrivée massive de médecins, demain, sur les territoires. Cela ne nous empêche toutefois pas d'entrevoir une note d'espoir qui incite à l'optimisme.
J'insiste ainsi sur certaines mesures qui visent à apporter des réponses à court terme en redonnant du temps médical aux professionnels : la possibilité étendue de recourir à un médecin adjoint, les simplifications relatives au statut de praticien hospitalier, le renforcement de la télémédecine, qui ouvre une voie d'accès intéressante aux soins de premier recours, ou l'évolution de certaines tâches attribuées aux infirmiers, pharmaciens et sages-femmes, qui complètent la création du métier d'assistant médical.
D'autres dispositions porteront leurs effets à plus long terme : la réforme des études médicales, qui permettra de former plus de médecins, de diversifier les profils des étudiants et de mieux adapter le troisième cycle aux besoins des territoires, aux réalités du métier et aux aspirations des jeunes praticiens, ainsi que la gradation des hôpitaux, avec la labellisation de 500 hôpitaux de proximité.
Bien que les apports successifs de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les précisions du Gouvernement, aient levé certains doutes, des interrogations légitimes persistent quant à la préservation d'une offre hospitalière de proximité. Aujourd'hui 250 structures doivent encore être transformées en hôpitaux de proximité, sans maternité ni chirurgie, et nous serons vigilants pour nous assurer que ces établissements répondent bien aux besoins en soins de premier recours.
Par ailleurs, les diverses mesures de transformation numérique inscrivent pleinement notre système de soins dans le XXIe siècle, en facilitant les échanges d'informations par la création de l'espace numérique et en généralisant le dossier médical partagé.
Enfin, les mesures de coordination, au cœur même de ce projet de loi, devraient permettre une meilleure organisation des soins, grâce à une coopération accrue entre les professionnels à l'échelle d'un bassin de vie, apportant ainsi une réponse à la question de l'accès aux soins.
Avant d'achever mon propos, je souhaite toutefois faire part de deux regrets à l'issue de cette première lecture.
Le premier concerne le recours aux ordonnances, trop souvent utilisé. Nous comprenons qu'il faut aller vite pour répondre à l'urgence, mais certains sujets auraient mérité un débat parlementaire plus approfondi. C'est le cas, notamment, de la question sensible des autorisations des activités de soins dans les établissements hospitaliers.
Mon second regret concerne l'instauration d'une année de stage en ambulatoire et en autonomie à la fin du troisième cycle de médecine générale. À titre personnel, je suis défavorable à cette mesure – j'ai compris que nous étions peu nombreux dans ce cas –, parce qu'elle conduit à s'affranchir de la logique d'une formation d'excellence dans laquelle chaque semestre, chaque expérience et donc chaque stage a sa raison d'être. La qualité de cette formation, que beaucoup de pays nous envient, ne doit pas être une variable d'ajustement.
Le texte issu des travaux du Sénat place des outils de coordination entre les mains des professionnels, permet une gradation des soins et un décloisonnement entre les praticiens et entre la ville et l'hôpital, sans pour autant céder à la facilité des mesures coercitives, dont je suis convaincue de l'inefficacité.
Toutefois, sans des moyens humains, financiers et d'accompagnement à la hauteur des enjeux, le risque existe que nous ne puissions pas constater sur le terrain les effets attendus. Aussi, attentive aux moyens qui seront engagés, mais désireuse de voir ces mesures mises en œuvre, la majorité du groupe du RDSE votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
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