Proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Costes.
Mme Josiane Costes. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, « Il n'est qu'un bon moyen de conserver aux enfants leur innocence, c'est que tous ceux qui les entourent la respectent et l'aiment ». Cette affirmation de Jean-Jacques Rousseau dans son essai sur l'éducation a certainement inspiré l'évolution constante des droits de l'enfant à travers les décennies. Nous avons en effet assisté à une meilleure prise en considération de la fragilité des enfants et, ainsi, à un renforcement de leur protection. Cette reconnaissance de droits spécifiques à l'enfant s'inscrit dans la lignée de l'affirmation des droits de l'Homme, dont notre pays peut s'enorgueillir d'être le pionnier.
Depuis la ratification de la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, la France s'est engagée à faire primer les intérêts des enfants sur des intérêts concurrents. Je remercie par ailleurs le groupe CRCE d'avoir sensibilisé notre assemblée sur cette question avec cette proposition de loi que nous examinons le jour de l'anniversaire de cette convention, qui est aussi, depuis 1996 – là encore, sur l'initiative du groupe communiste –, la journée nationale de protection des droits de l'enfant.
Cette protection a connu un tournant avec la loi du 6 mars 2000, qui a créé une nouvelle autorité administrative indépendante, le Défenseur des enfants, chargée de promouvoir et de défendre leurs droits. Le Défenseur des enfants a ensuite été rattaché au Défenseur des droits par la loi du 1er mai 2011 et incarné par l'un de ses adjoints, qui pilote le collège chargé de la défense et de la promotion des droits de l'enfant.
Par ailleurs, au cours des dernières années, les initiatives législatives spécifiques se sont multipliées, avec de grandes lois générales sur la protection de l'enfance, comme la loi du 5 mars 2007 ou celle du 14 mars 2016, mais aussi avec des lois plus ponctuelles, comme la loi de lutte contre les violences éducatives ordinaires ou celle contre l'inceste.
Cependant, comme le soulignent les rapports annuels du Défenseur des enfants, la protection des mineurs reste malheureusement perfectible en France. Les principales préoccupations concernent notamment les enfants immigrés et enfants de demandeurs d'asile, les « mineurs délaissés » pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, mais non adoptables, ainsi que la question des mineurs délinquants.
Je souhaiterais également appeler votre attention sur une tribune publiée aujourd'hui par le directeur de l'association Aide et Action France-Europe, dans laquelle il sensibilise les pouvoirs publics sur le droit à l'instruction. Dans l'Hexagone, alors que ce droit est reconnu par la loi française pour tous les enfants, français et étrangers, âgés de trois à seize ans, près de 100 000 enfants, dont une majorité vit en squat, bidonville, dans la rue ou souffre d'un handicap, ne sont toujours pas scolarisés. Ces chiffres sont indignes de notre pays !
Par ailleurs, je regrette vivement que la proposition de loi contre les violences familiales que nous avons adoptée il y a quelques jours ait complètement occulté le problème des violences faites aux enfants et que tous nos amendements sur le sujet aient été rejetés.
La garde des sceaux a annoncé une réforme de l'ordonnance de 1945 relative aux mineurs délinquants. En tant que rapporteure pour avis de la commission des lois pour le programme « Protection judiciaire de la jeunesse », je serai très vigilante aux dispositions de ce texte et serai moi-même force de propositions. J'envisage également avec mon groupe de déposer une proposition de loi visant à favoriser l'adoption simple des mineurs délaissés.
Nous examinons donc aujourd'hui la proposition de loi du groupe CRCE visant à créer une nouvelle délégation parlementaire consacrée aux droits des enfants. Si nous comprenons et partageons l'intention louable qui sous-tend cette proposition de loi, nous considérons néanmoins que la multiplication des délégations, ou encore des organismes extérieurs aux assemblées, éparpille le travail parlementaire, lui faisant nettement perdre en efficacité. Je rappelle qu'il existe déjà cinq délégations sénatoriales, dont l'efficacité est parfois questionnée. Ainsi, les propositions de ces délégations ne sont pas systématiquement suivies en commission, et elles disposent de moyens de fonctionnement moins importants que les commissions permanentes, limitant considérablement leur pouvoir d'initiative.
Notre groupe est particulièrement attaché au débat et au travail parlementaire, tant législatif que de contrôle. Les initiatives de groupes de travail transpartisans, voire entre les deux assemblées favorisent les échanges et le consensus. Malheureusement, l'expérience montre que leurs travaux n'aboutissent pas à des textes concrets votés par l'ensemble des parlementaires. C'est la raison pour laquelle la grande majorité de notre groupe votera contre cette proposition de loi – non pas contre la nécessité de faire de la protection des droits de l'enfant une priorité, mais contre la création d'une délégation dont l'efficacité ne sera certainement pas au rendez-vous. Nous considérons que, pour améliorer concrètement la situation des enfants victimes de violences ou d'injustices sociales, la voie législative est indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
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