Convention fiscale avec le Grand-Duché de Luxembourg
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à travers le projet de loi que nous examinons aujourd'hui, il nous est proposé de ratifier la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg.
Venant enfin actualiser un dispositif conventionnel qui datait de 1958, rendu obsolète par les dernières avancées en matière de fiscalité hybride et d'optimisation, ce texte place nos deux pays – c'est une bonne chose – en conformité avec les derniers standards internationaux en vigueur.
Il ouvre nos administrations fiscales respectives à des avancées importantes en matière de partage de renseignements et de lutte contre l'évasion fiscale.
Il permet d'éviter les doubles impositions comme les doubles exonérations.
Il trace une nouvelle ambition pour le télétravail, qui s'en trouve facilité. En effet, comment ne pas y être favorable quand on a conscience des enjeux environnementaux et de la récurrente question de la mobilité entre la France et le Luxembourg ? Nous devrions même, sur ce sujet, aller plus loin.
Cette convention est d'autant plus importante et attendue qu'elle concerne de plus en plus de ressortissants et d'entreprises des deux pays : 2 380 entreprises luxembourgeoises sont installées en France tandis que 900 filiales françaises le sont au Luxembourg. Et plus de 90 000 travailleurs frontaliers exercent leur activité au Luxembourg, chiffre considérable si on le rapporte aux 600 000 habitants que compte ce pays.
Il n'est pas inutile de rappeler que le Luxembourg progresse sur le chemin de la transparence. Certes, il reste des efforts à faire, mais cette convention constitue un pas dans la bonne direction, tout comme la récente réforme annoncée de l'indemnisation du chômage, qui fera faire à terme 800 millions d'euros d'économie à notre pays.
L'absence du Luxembourg de la totalité des listes noires en matière fiscale, les divers avenants à la convention depuis 1958 – au nombre de quatre – comme la diversification économique, que certaines cassandres souvent teintées de rouge ne veulent pas voir, sont là pour le rappeler.
M. Jean-François Husson. Très juste !
Mme Véronique Guillotin. D'autre part, comment parler de cette convention sans évoquer ses effets sur la vie quotidienne des hommes et des femmes concernés ?
Malgré tous ses apports positifs, elle comporte un angle mort, sur lequel je tenais à attirer votre attention : il s'agit de la situation des travailleurs frontaliers résidant en France.
Ces travailleurs sont en effet prélevés à la source au Luxembourg, mais doivent tout de même effectuer une déclaration de revenus à l'administration française. Pour éviter une double imposition, il est prévu de faire bénéficier ces contribuables d'un crédit d'impôt calculé en fonction de ce qu'ils ont déjà payé à l'administration fiscale luxembourgeoise. Or ce crédit d'impôt ne sera pas calculé de la même façon selon la situation des contribuables, qu'il s'agisse de la structure de leurs revenus ou de leur situation familiale.
Le contribuable résidant en France sera soumis au taux d'imposition le plus élevé entre les deux États, sans compter la charge administrative supplémentaire que cela représente.
D'une manière générale, les frontaliers français risquent – je reste prudente – de se retrouver dans une situation inégale par rapport à leurs collègues belges ou allemands, avec un système moins avantageux en matière d'imposition. Ce point aurait mérité une étude d'impact bien plus aboutie.
Je veux également évoquer, à l'occasion de l'examen de cette convention, les nécessaires coopérations à renforcer. Être voisin du Luxembourg est, je le répète, une opportunité, une véritable chance, car, 90 000 habitants du Grand Est, principalement du nord lorrain, y travaillent chaque jour, et la dynamique se poursuit. En conséquence, 12 000 voyageurs empruntent quotidiennement la ligne de train express régional Nancy-Luxembourg, et des dizaines de milliers de véhicules circulent sur l'autoroute A31 et sur l'ensemble des routes secondaires. Chaque jour qui passe, trente et un frontaliers supplémentaires franchissent la frontière, soit presque autant de voitures supplémentaires sur nos routes.
Toutefois, les enjeux transfrontaliers dépassent largement la seule question de la mobilité, j'ai eu l'occasion de l'évoquer lors d'une question au Gouvernement, le 13 mars dernier, en marge de la visite d'État du Grand-Duc de Luxembourg en France.
Ainsi, si l'équilibre général de la convention doit être salué et soutenu, de même que les stipulations relatives aux frontaliers souhaitant faire du télétravail, ce traité ne règle pas tout du point de vue du différentiel fiscal, et il ne saurait se passer, sur ce sujet, des avancées attendues du droit européen.
La grande majorité du groupe du RDSE votera pour l'approbation de cette convention, mais regrette que les incidences de ce texte n'aient pas été suffisamment évaluées. J'appelle en outre l'attention du Gouvernement sur la nécessité de ne pas laisser retomber le soufflé en matière de coopération transfrontalière, à la suite de la visite d'État de mars dernier, mais au contraire d'intensifier ces coopérations, en encourageant l'expérimentation et la créativité avec, comme objectif, la coconstruction d'un espace transfrontalier dynamique et surtout équilibré, où chacun gagne à faire avancer l'autre.
En effet, nous avons des intérêts communs et complémentaires sur de nombreux sujets, comme la mobilité, la santé, la formation, ou encore l'enseignement supérieur, autant de projets à coconstruire pour une Europe qui facilite la vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
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