Débat sur l'hydrogène, une énergie d'avenir bis
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Roux.
M. Jean-Yves Roux. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, Édouard Herriot disait que l'utopie est une réalité en puissance. La réalité en puissance, c'est le basculement en cours de notre économie tout entière, de notre organisation territoriale, de nos habitudes de consommation vers des modes de production durables, sobres mais aussi de plus en plus décarbonés.
Année après année, nous disposons de rapports à leur tour sans cesse plus réalistes, qui nous exhortent à accélérer des investissements directs en faveur de cet objectif : rapport du GIEC de septembre 2018, en tête.
La stratégie climat de la Commission européenne, communiquée en novembre dernier, semble, elle aussi, vouloir passer à la vitesse supérieure, puisqu'elle pose le principe d'une neutralité carbone de l'Europe en 2050. Ici, en France, une pétition a réuni près de deux millions d'habitants, pour proposer une plus grande visibilité de la stratégie nationale et européenne.
Dans ce contexte, où il ne s'agit plus de tergiverser, l'hydrogène apparaît comme une possibilité intéressante en vue d'accompagner cette trajectoire, en particulier, là où, de l'avis même du commissaire européen au climat, notre pays est en retard sur ses objectifs, l'augmentation de la part d'énergies renouvelables dans notre mix énergétique.
Il s'agit évidemment non de fournir une recette miracle mais de vivre pleinement une opportunité industrielle, sociétale et environnementale majeure. À ce titre, nous devons garder en mémoire les débats qui se sont tenus au moment de l'exploitation possible des gaz de schiste, exploitation abandonnée en Grande-Bretagne, abandonnée en Pologne, jugée écologiquement et économiquement peu rentable.
Nous disposons aujourd'hui d'une connaissance précise des multiples possibilités de l'hydrogène, de son traitement et de l'exploitation dans des conditions décarbonées. Il s'agit, tout d'abord, de produire des technologies alternatives vertes pour des industries très consommatrices d'hydrogène.
Parmi les applications les plus visibles, on trouve l'équipement de modes de transports lourds et la mise en circulation de flottes de véhicules à hydrogène, avec des stations de recharge correspondantes.
Le 1er juin dernier, le ministre de l'écologie, Nicolas Hulot, a annoncé la mise en œuvre d'un plan hydrogène doté, en principe, de 100 millions d'euros par an jusqu'en 2023 – en réalité de 100 millions d'euros en 2019 –, avec une évaluation du niveau de déploiement des industries.
Le ministre a ainsi affirmé, que dans la perspective de la transition énergétique, « l'hydrogène peut aussi devenir une solution majeure pour notre mix énergétique tout d'abord en rendant possible le stockage à grande échelle des énergies renouvelables, permettant ainsi de rendre crédible un monde où l'hydrogène vient se substituer, petit à petit, au fossile et au nucléaire pour combler les intermittences du solaire et de l'éolien ».
Ce plan donne, par ailleurs, à la filière hydrogène deux missions principales : tout d'abord, stocker l'électricité produite par des filières renouvelables intermittentes sous forme d'hydrogène produit par électrolyse de l'eau, ensuite, distribué dans un réseau de gaz ou utilisé dans une pile à combustible pour produire de l'électricité, ensuite, développer des « mobilités propres », en utilisant l'hydrogène dans une pile à combustible alimentant un moteur électrique.
Ce plan, qui doit donner lieu à un accompagnement important de l'ADEME, est assorti d'une aide directe à l'acquisition d'électrolyseurs, d'aides à la mise en place de projets territoriaux pilotes en matière de mobilité, d'une aide sous forme d'avances remboursables pour les stations de recharge et de l'aide à l'acquisition de véhicules professionnels ou de véhicules destinés au transport collectif. Enfin, ces aides pourraient être mobilisées dans des zones non interconnectées aux réseaux, associant plusieurs usages de l'hydrogène.
Madame la secrétaire d'État, 2019 est, de fait, une année d'amorçage et de pari industriel, qui suscite de fortes attentes et espoirs chez les acteurs de la filière mais aussi chez les collectivités locales. Ce plan, mes chers collègues, demande de la constance, du temps et une stratégie. Les industriels, comme les acteurs de la filière, ont en effet besoin, pour pleinement se déployer, d'assurances et de moyens à long terme.
Je souhaite rappeler, madame la secrétaire d'État, que des territoires ont d'ores et déjà effectué ce pari industriel et énergétique. Outre les 29 projets « territoires hydrogène » sélectionnés et mis en œuvre en 2016, d'autres EPCI se sont dotés de stratégies de diversification énergétique à grande échelle.
Dans ce contexte, vous permettrez, madame la secrétaire d'État, que nous soyons attentifs à la forte visibilité de la mise en œuvre des projets sélectionnés dès cette année. L'enjeu est bien d'engager des projets qui permettront, dès à présent, de faire baisser le coût de l'hydrogène et de lancer la fabrication et la commercialisation de piles à combustibles par les industriels. Or cet enjeu demande, à n'en pas douter, une structuration plus importante de l'ensemble de la filière hydrogène.
Au total, nous plaidons pour que la mise en œuvre du plan hydrogène soit visible et accessible, et ce dans tous les territoires, surbains comme ruraux, avec des applications concrètes. C'est en effet de la visibilité des projets que dépendra le contrat social et environnemental qui liera nos concitoyens, déjà éprouvés par une facture énergétique lourde pour les petits revenus, aux objectifs même de la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
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