Débat sur les conclusions du rapport d'information : adapter le France aux dérèglements climatiques à l'horizon 2050 : urgence délarée
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective.
M. Ronan Dantec, rapporteur de la délégation sénatoriale à la prospective. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la délégation, mes chers collègues, comme l'a indiqué Jean-Yves Roux, notre rapport présente, sans faux-semblant, l'ampleur des défis que notre pays doit relever pour faire face aux effets d'un réchauffement global d'environ deux degrés en 2050 par rapport à l'ère préindustrielle.
Notre rapport n'est ni catastrophiste ni fataliste ; il est néanmoins sévère sur les retards pris dans la mobilisation des acteurs publics et des filières économiques, au-delà de quelques grandes structures scientifiques qui, pour leur part, sont engagées dans la réflexion et produisent des préconisations précises.
Il montre ainsi que les défis de l'adaptation au changement climatique ne sont pas insurmontables. Nous avançons dix-huit propositions pour la mener avec succès. Mon collègue Jean-Yves Roux a présenté plusieurs réponses sectorielles, concernant notamment l'agriculture ou le bâti. J'évoquerai pour ma part des leviers d'action plus transversaux.
Le premier d'entre eux est de mobiliser plus largement les territoires dans les politiques d'adaptation.
Nous en avons fait une priorité du deuxième plan national d'adaptation au changement climatique – PNACC 2 –, en appelant les territoires à adosser un volet précis lié à l'adaptation dans leurs plans climat-air-énergie territoriaux – PCAET. Mais vous n'ignorez pas, madame la ministre, le retard pris dans leur élaboration et adoption. Il est plus que temps de systématiser l'engagement des territoires au-delà des quelques collectivités pionnières, car c'est à cette échelle que se construisent les réponses pertinentes.
Chaque territoire a en effet ses vulnérabilités particulières ; il a ses ressources propres et son projet de développement spécifique. L'adaptation ne peut donc pas être uniforme : elle se construit sur la base d'un diagnostic territorial précis, propose des réponses sur mesure et s'appuie sur un projet porté et partagé localement.
Pour autant, les territoires ont besoin d'accompagnement sur les méthodologies et l'ingénierie. L'État doit être à leurs côtés, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie – Ademe – et l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique – Onerc – ayant également un rôle très important à jouer.
Il faut aussi conforter la fonction d'orientation stratégique des régions par la généralisation de prospectives régionales sur l'excellent modèle aquitain AcclimaTerra – on ne le citera jamais assez ! – ; ces prospectives portent un diagnostic précis des évolutions prévisibles à l'échelle de la région. Nous avons besoin de démonstrateurs régionaux et de contractualisation d'objectifs d'adaptation dans les financements régionaux.
Le deuxième levier transversal de mobilisation sur lequel je veux insister est le soutien à la recherche et la simplification de l'accès aux données. Dans toutes les auditions réalisées avec le milieu scientifique, nous avons entendu le même cri d'alarme : les crédits ne sont pas à la hauteur des enjeux de connaissance ; même des crédits de coordination modestes ont été supprimés – j'ai souvent alerté le Gouvernement à ce sujet –, ce qui provoque l'incompréhension de la communauté scientifique.
Or nous avons évidemment besoin d'évaluer tous les impacts du changement climatique sur la nature, la santé et l'économie et comprendre les évolutions dans le temps, facteur clé des stratégies d'adaptation. Nous avons donc besoin de connaissances pour nourrir notre action et nous avons surtout besoin que ces données soient rendues plus accessibles aux acteurs de terrain – c'est la clé de la mobilisation.
Nous faisons pour cela plusieurs propositions : accentuer le soutien financier à la recherche et à l'expertise scientifique ; accorder un accès gratuit, et surtout beaucoup plus facile, aux données nécessaires à l'élaboration des politiques d'adaptation territoriales, notamment aux scénarios de Météo France. Il y a, dans le PNACC 2, l'idée d'un grand portail d'information de l'adaptation. Il doit associer l'ensemble des services et opérateurs compétents de l'État et être un véritable guichet unique d'un service public de l'adaptation – c'est une véritable priorité.
Le troisième point essentiel concerne l'utilisation accrue du secteur assurantiel comme un levier de transformation. Il faut s'engager dans une évolution des modalités de prise en charge par les assurances du coût des sinistres climatiques. Ce n'est pas seulement une question d'enveloppe globale, mais aussi de modulation des franchises et des primes. Le secteur assurantiel doit contribuer aux évolutions en cours et à l'adaptation des territoires et des acteurs. L'existence d'une sécurité, d'un parapluie, ne doit pas constituer de fait un facteur d'immobilisme et de retard dans la prise en compte des risques. Nous aurons évidemment ce débat, lorsque nous évoquerons l'extension de l'assurance agricole.
Je conclurai, en évoquant une dernière proposition forte de notre rapport : un projet de loi-cadre sur l'adaptation de la France au changement climatique devrait être présenté au Parlement. Son examen pourrait être l'occasion d'inscrire enfin ce thème au cœur du débat public et d'en examiner de façon cohérente et transversale tous les aspects.
Jean-Yves Roux a cité il y a quelques instants la question de l'eau. C'est un excellent exemple. Sur ce point, sans un compromis dynamique et une compréhension mutuelle entre acteurs, nous partons à l'affrontement – nous en avons déjà de douloureux exemples.
Cette loi doit fournir le cadre de cette concertation et donnera un signal fort sur le caractère prioritaire des politiques d'adaptation, en renforçant aussi, évidemment, la place du Parlement. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi qu'au banc des commissions.)
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