Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat relative au Grand débat national
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les membres du Gouvernement, mes chers collègues, le temps de la démocratie n'est certainement pas celui des médias. Pas plus qu'il ne saurait être réduit aux expressions de la rue dont la légitimité ne se substitue pas à celle des urnes. Comme le disait le président Malhuret à cette tribune : « On ne légifère pas sur les ronds-points ! »
Bien au contraire, notre République se nourrit du principe fondamental selon lequel la volonté générale s'exprime à la fois par la voix du peuple souverain et par celle de ses représentants. Cette construction politique, héritage de notre histoire, garde toute sa force à l'heure où les populismes veulent nous imposer leur idéologie mortifère.
Or nous avons vécu ces derniers mois au rythme des samedis de manifestations, puis de violences intolérables. Nous avons subi l'irresponsabilité de certains médias, pour qui le sensationnel fait figure de ligne éditoriale, au risque d'attiser des feux qui ne demandaient qu'à s'embraser.
Nous avons subi la lie de la désinformation, des rumeurs, pointant du doigt une catégorie de population, défiant la raison que nous tenons des Lumières, provoquant même parfois des réactions collectives que nous pensions réservées aux périodes obscurantistes.
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. Il est certain que ce que traverse notre pays doit inciter à la retenue et à la modestie. De façon plus générale, il souffle en Occident des vents mauvais qui veulent détruire l'héritage des Lumières. Ce qui se passe aux États-Unis, en Italie, en Pologne, en Hongrie nous concerne directement. Le devenir de l'Union européenne en est à un moment clé, qui exige que nous soyons collectivement responsables.
Oui, des colères se sont exprimées, parfois avec véhémence. C'est le propre d'une démocratie ! Parfois aussi, hélas, avec des visées clairement factieuses, rappelant des époques de sédition que nous pensions révolues. Nous ne cesserons de les condamner de toutes nos forces.
Monsieur le Premier ministre, à l'évidence, votre Gouvernement a le devoir de résoudre une situation dont les gouvernements successifs, depuis plusieurs décennies, portent chacun une responsabilité.
Mme Françoise Laborde. C'est sûr !
M. Jean-Claude Requier. Nous mesurons la difficulté de votre tâche. Nul, parmi les membres du RDSE, ne souhaite votre échec, car les conséquences pour notre pays, son avenir, celui de nos enfants, seraient dramatiques.
Nous nous réjouissons donc que cette colère ait pu être transformée en mots partout dans le pays, sous la forme de conférences citoyennes ou d'agoras plus spontanées et moins formalisées. Nous saluons la réussite d'un exercice complexe. La confrontation apaisée des idées est inhérente à la démocratie, puisque c'est aussi de ce concept que procède in fine le Parlement.
Pour notre part, nous sommes convaincus qu'aucune méthode n'était parfaite pour organiser ce grand débat.
Les biais méthodologiques ne peuvent être éliminés d'un exercice aussi inédit dans son ampleur. La critique est un mal nécessaire et inévitable. Les quelque deux millions de contributions enregistrées sont pour nous un échantillonnage de l'état d'une certaine partie de l'opinion, celle qui s'est mobilisée. Pour autant, nous n'avons finalement rien appris que nous ne sachions déjà.
M. Martial Bourquin. Exactement !
M. Jean-Claude Requier. En particulier pour des élus, comme nous qui avons été élus locaux, qui ont l'expérience de l'empathie et de l'écoute. De ces trois mois de débats, il ressort, dans les grandes lignes, de fortes demandes tendant à une fiscalité plus juste et plus lisible ; à une transition écologique moins punitive, mais adaptée à chaque territoire ; à une démocratie plus transparente, plus inclusive ; à des services publics mieux répartis, pour renforcer la cohésion des territoires. Monsieur le Premier ministre, le plus dur est à venir, vous le savez ! Tous ces échanges suscitent de l'impatience. Il est maintenant l'heure de les concrétiser par des décisions politiques, pour le court terme et pour le long terme, afin que notre pays retrouve le chemin de la fierté et de l'harmonie.
Mais comment répondre à des demandes multiples, parfois incohérentes entre elles ? On ne peut pas réclamer simultanément la baisse des impôts et davantage de services publics !
M. Yvon Collin. Très bien !
M. Jean-Claude Requier. On ne peut pas demander davantage à l'impôt et moins au contribuable. On ne peut pas promettre de réduire le poids de la fiscalité sans parler de notre politique de redistribution, un ferment de notre modèle social !
Comment ne pas surajouter de la déception aux espoirs nés ? Vous l'avez dit vous-même : « Hésiter serait pire qu'une erreur, ce serait une faute. Tout conservatisme, toute frilosité seraient à mes yeux impardonnables. »
Nous voulons donc vous prendre au mot, dans l'attente évidemment des prochaines annonces du Président de la République.
Ne rien faire serait bien sûr une faute. Mais continuer comme avant serait encore pire ! Nos concitoyens l'ont clairement dit, ils ne veulent plus d'un pouvoir vertical et déconnecté, qui fait fi des corps intermédiaires. Ils souhaitent, au contraire, que leur voix porte, au-delà des échéances électorales, ce qui n'est pas incompatible avec notre démocratie représentative.
Monsieur le Premier ministre, vous nous trouverez donc à vos côtés lorsqu'il s'agira de réintroduire partout les « services publics de contact » – pour reprendre votre expression –, c'est-à-dire qui privilégient le contact humain plutôt que la chimère de la dématérialisation, de réduire les fractures territoriales, notamment en rapprochant les métropoles et les territoires périphériques, de construire une transition écologique responsable, durable et non punitive, de créer les conditions d'une meilleure répartition des richesses, par la dignité du travail.
Ces combats, le groupe du RDSE les porte depuis très longtemps. Nous n'avons en tout cas jamais dévié de nos principes, dès lors que l'urgence est d'empêcher certains territoires de littéralement mourir. Vous connaissez nos initiatives en matière de désenclavement, d'égal accès aux services publics, aux soins et au numérique, ou de développement économique des territoires. Notre engagement est constant, car nous estimons que redonner de la dignité à ceux qui se sentent oubliés exige des mesures simples, pragmatiques, adaptées au quotidien. Aussi brillante et utile soit-elle, notre technocratie n'aura jamais le ressenti du terrain des élus de proximité que nous sommes !
Monsieur le Premier ministre, l'heure est à l'action. Toutes les bonnes volontés doivent se mobiliser avec un seul objectif : mettre à jour notre logiciel démocratique, dans le respect de nos principes républicains. Pour cela, les institutions de notre démocratie représentative vont maintenant exercer leurs missions, à savoir débattre, confronter les idées, faire des propositions et voter, ce qui est le propre d'une démocratie mature.
Le Sénat continuera, j'en suis sûr, de faire entendre son pluralisme et sa singularité. Mon groupe, dans toutes ses expressions et sa diversité, y prendra naturellement, avec beaucoup de détermination, toute sa part ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur les travées du groupe La République En Marche.)
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