Projet de Loi autorisant l'avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Luxembourg au protocole d'accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d'aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, quand le protocole d’accord initial que complète cet avenant a été adopté, en 2018, 90 000 Français se rendaient chaque jour au Luxembourg pour y travailler. Cinq ans plus tard, ils sont plus de 120 000 frontaliers à emprunter les routes et le train à destination du Luxembourg, et leur nombre pourrait doubler d’ici à 2050.
La densité de ce flux et sa forte dynamique constituent un enjeu majeur pour le territoire sur de multiples aspects, à commencer par la mobilité. La congestion des trafics routier et ferroviaire est une source de difficultés croissantes, quotidiennes, pour les Lorrains qui la subissent : allongement de la durée des trajets, problèmes environnementaux, etc.
Cet état de saturation justifie l’augmentation de l’enveloppe prévue par cet avenant. Elle porte à 440 millions d’euros l’investissement de la France et du Luxembourg sur l’axe ferroviaire Nancy-Metz-Thionville-Luxembourg.
Nous souscrivons évidemment totalement à ce projet, qui permettra d’augmenter progressivement la fréquence des trains et leur capacité d’accueil, pour atteindre 24 000 places en heures de pointe en 2030. Est-ce que cela permettra pour autant de régler tous les problèmes ? Bien sûr que non !
Toutefois, ce projet s’inscrit également dans une mobilisation inédite de l’État et des collectivités en faveur des mobilités durables. La région Grand Est et l’État ont signé, la semaine dernière, le volet mobilités du CPER 2023-2027, qui prévoit 2,1 milliards d’euros d’engagement : 70 % des crédits sont destinés au ferroviaire et aux RER métropolitains. Je pense notamment au projet Lorraine-Luxembourg, qui s’inscrit dans le prolongement du protocole d’accord et pour lequel la région investit massivement, notamment pour l’achat des trains longs.
On mesure, lorsque l’on habite dans ces régions – je note d’ailleurs que les Lorrains sont largement représentés cet après-midi dans l’hémicycle –, combien nos deux pays sont interdépendants. Le Luxembourg a un besoin croissant de main-d’œuvre. La France, quant à elle, souhaite améliorer les conditions de vie de ses travailleurs frontaliers.
Les collectivités où résident les travailleurs frontaliers doivent faire face à des besoins importants d’investissements en services.
Ce projet s’inscrit dans un processus de coopération renforcée entre nos deux pays. La septième réunion de la Commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière (CIG) a ainsi eu lieu en avril. Cette instance assure la bonne coordination des politiques publiques et permet l’émergence d’initiatives communes sur la base du codéveloppement et du cofinancement.
Des avancées ont ainsi déjà eu lieu dans ce cadre pour améliorer la vie quotidienne des travailleurs frontaliers. Je pense par exemple au télétravail, dont la possibilité a été étendue à trente-quatre jours par an sans modification de l’imposition fiscale.
Mais, madame la secrétaire d’État, vous l’aurez compris, nous devons nous intéresser à bien d’autres sujets, au-delà de cet avenant : je veux ainsi insister sur la nécessité d’une implication ministérielle forte – je rejoins mon collègue Jean-Marie Mizzon –, voire interministérielle, lorsque nous traitons avec le Luxembourg. Elle pourrait prendre la forme d’un délégué ou d’un comité interministériel transfrontalier qui serait capable de négocier avec les interlocuteurs luxembourgeois au même niveau – on ne peut pas laisser le préfet seul face aux ministres luxembourgeois –, et qui connaîtrait bien les particularités frontalières sur des sujets aussi variés que la mobilité, bien sûr, mais aussi la santé, l’aspiration des compétences, le social, la sécurité ou la fiscalité.
Nous avons aussi besoin que les deux États s’engagent davantage aux côtés des collectivités, pour lesquelles le travail frontalier est source de difficultés.
Les trente-neuf heures en vigueur au Luxembourg et les temps de trajet pèsent notamment sur la gestion des crèches et du périscolaire, car leurs horaires doivent être adaptés en conséquence.
La question de la formation doit aussi être posée : la France forme des infirmières, qui partent travailler au Luxembourg, où le salaire est deux à trois fois plus élevé.
La création d’un institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) transfrontalier pourrait être une piste intéressante, dans le cadre d’un cofinancement du Luxembourg. Mais, là encore, pour défendre de tels projets auprès de nos partenaires luxembourgeois, nous avons besoin de l’engagement du Gouvernement et des ministres.
Dans l’attente de cette coopération renforcée, et peut-être plus équilibrée au regard de la richesse de notre voisin, notre groupe apportera sans réserve sa voix à ce projet de loi, qui est l’aboutissement d’un travail long et efficace. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI, ainsi qu’au banc des commissions. – MM. Mizzon et Laménie applaudissent également.)
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