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Projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne

M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes.

M. Jean-Claude Requier. Très bien !

Mme Josiane Costes. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, vous pardonnerez autant que vous comprendrez, je l'espère, que je revienne sur la forme de ce projet de loi, celle-ci étant indissociable de son fond.

Ce texte se présente à l'évidence comme une compilation de dispositions disparates, qui visent largement à habiliter le Gouvernement à prendre des ordonnances dans les domaines les plus divers. Les conséquences du Brexit côtoient les contrats de travail, et les pouvoirs des fédérations sportives les titres restaurant, pour ne citer que ces quelques exemples.

Cela a déjà été dit, mais il faut bien y revenir, la cohérence et la clarté qui manquent à ce projet de loi ont des conséquences directes sur la qualité de la délibération parlementaire. Si l'on y ajoute les délais d'examen du texte – un problème que le seul contexte sanitaire ne saurait justifier –, on ne peut s'empêcher de penser que ce projet de loi condense en lui-même tous les défauts que l'on adresse couramment aux évolutions, néfastes, de la procédure législative : recours quasi systématique à la procédure accélérée, délai pour le dépôt des amendements incompatible avec une réflexion poussée, habitude de légiférer par ordonnances, pratique malheureuse des lois fourre-tout, qui évoque le triste souvenir des lois Warsmann. Les conditions extrêmes d'examen de la loi du 11 mai dernier n'ont apparemment pas permis d'inverser la donne.

Bien sûr, les circonstances actuelles exigent certains accommodements. Nous en convenons tous. Aussi le Sénat a-t-il réorganisé ses travaux comme l'imposait la crise sanitaire, mais les modalités d'examen de ce projet de loi traduisent une forme de déconsidération et ne doivent en aucun cas constituer un précédent.

Pour toutes ces raisons, il est malaisé de se forger une opinion aboutie sur ce texte. Puisqu'il m'est impossible d'en traiter dans ses détails comme dans sa globalité, je ne relèverai que quelques points saillants.

Concernant les conséquences de la crise sanitaire, nous nous réjouissons des dispositions qui protègent ceux qui en ont le plus souffert, par l'incertitude qui plane désormais sur leur situation ou la précarité qui les touche. La prolongation des titres de séjour, le maintien des garanties de protection sociale complémentaire pour les salariés en activité partielle et l'adaptation des règles relatives aux contrats d'insertion s'inscrivent tous dans cette lignée. Nous nous en félicitons. Il en va également ainsi de la mobilisation des réserves des caisses complémentaires des indépendants, de la prise en compte des périodes d'activité partielle pour les droits à la retraite et de la dérogation aux règles de cumul emploi-retraite pour les soignants.

Les conséquences que cette crise emporte sont multiples et probablement, pour certaines, encore inconnues. Il est heureux que l'action de l'État réduise ses effets néfastes, en s'adaptant dans chaque domaine. Je pense particulièrement au fonds de soutien aux restaurateurs et à la singularité de son mode de financement.

Il importe cependant de veiller à ce que certains remèdes ne s'inscrivent pas dans le droit commun. Il est raisonnable que les circonstances actuelles, qui conjuguent incertitude et nécessité d'une reprise économique, exigent une adaptation par accord d'entreprise des règles relatives aux contrats courts, mais il serait regrettable que celle-ci devienne la norme. C'est à raison que la commission des affaires sociales du Sénat a prévenu un tel glissement, en fixant un terme à son application.

Concernant l'habilitation relative au Brexit, on ne peut, en premier lieu, que se satisfaire de la réduction de sa durée d'application. Il faut observer, dans un second temps, que, si la plupart des domaines en cause relèvent de questions techniques qui justifient, compte tenu de l'urgence, le recours aux ordonnances, ce n'est pas le cas de tous. Le maintien des licences et des autorisations de transfert vers le Royaume-Uni de produits et matériels de défense comme les problèmes que soulèvent certains contrats d'assurance et plans d'épargne en actions demandent une solution juridique pour laquelle les ordonnances sont adaptées.

En revanche, la désignation de l'autorité nationale chargée de la sécurité du tunnel sous la Manche et la définition du régime des ressortissants britanniques sur le territoire national ne justifient en rien une telle habilitation. C'est là se priver inutilement des vertus de la délibération parlementaire.

Enfin, le groupe RDSE soutient les amendements que Mme la rapporteure de notre commission des lois a apportés au texte : la réduction du délai d'habilitation, la suppression d'un potentiel effet rétroactif et l'amélioration du dispositif d'information des parlementaires garantissent à raison le bon exercice par les chambres de leur mission constitutionnelle de contrôle. Il en va également de la sécurité juridique de notre droit, principe qui a été éprouvé au cours des derniers mois et qu'il nous importe de réhabiliter au mieux et au plus vite. La qualité de la loi dépend de celle du dialogue entre le Gouvernement et le Parlement. Plus qu'une question de légistique ou une observation pratique, c'est un impératif démocratique.

C'est pour cette raison que le groupe RDSE sera très attentif aux débats, qui lui permettront d'éclairer son jugement et de décider de son vote. Nous devons dès maintenant poser les premiers jalons de la méthode que nous appliquerons pour conduire l'action de l'État dans la gestion d'une crise qui survivra à son volet sanitaire. La transparence, le dialogue institutionnel et la délibération parlementaire sont des éléments essentiels, voire tout bonnement nécessaires à la réussite de toute politique. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.)

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