Projet de loi de finances pour 2019
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne dans cet hémicycle et au-delà ne se félicitera des conditions dans lesquelles le Sénat a dû cette année examiner le budget de la République. Je ne reviendrai pas sur un tweet malheureux qui a trop pesé sur l'entame de nos discussions. Nous nous sommes déjà exprimés sur ce point, et nos débats ont d'abord besoin de dignité.
Mme Anne Chain-Larché. Bravo !
M. Jean-Claude Requier. Ce qui importe surtout, bien au-dessus de ces basses billevesées, c'est de répondre à la crise politique, sociale et sociétale que nous vivons. C'est d'écouter avec la plus grande attention la souffrance exprimée par beaucoup de nos compatriotes, leur volonté de vivre dignement de leur travail. C'est d'apporter des solutions pratiques aux préoccupations qui émergent. C'est, au final, de donner tout leur sens à notre mandat d'élus de la République et aux responsabilités qui en découlent.
Oui, il y a bien urgence à apporter des réponses claires et concrètes à ce que beaucoup de nos concitoyens vivent comme une profonde injustice économique et sociale ! Nous y voyons la conséquence de politiques publiques déconnectées des réalités du quotidien depuis trop longtemps, de décisions incompréhensibles du citoyen, sédimentées dans la plus pure logique technocratique.
Ce n'est pourtant pas faute, pour notre groupe, de s'être battu depuis des années en faveur d'une véritable réduction des inégalités, à commencer par celles qui fracturent nos territoires. Je pense ici à l'hyper-ruralité, chère à notre collègue Alain Bertrand. La hausse de la fiscalité des carburants, que le Sénat n'a heureusement pas votée – comme quoi, il a toute son utilité dans notre démocratie ! –, n'en est que le dernier symbole. Nous redoublerons d'efforts, car il existe aujourd'hui deux France : celle qui est parfaitement insérée dans la mondialisation et qui raisonne start-up et Uber, pour laquelle l'avenir est un champ de tous les possibles ; et celle qui a peur du chômage, du déclassement social, qui se sent oubliée, pour ne pas dire méprisée, par les gouvernants, dont la porosité avec la haute fonction publique est délétère !
Les Français qui s'expriment aujourd'hui par la violence nous avaient pourtant lancé des avertissements que bien peu ont entendus : par leur vote contestataire, puis par leur abstention et, désormais, par des actes que nous devons interpréter comme une défiance profonde à l'égard de tout ce qui ressemble à une institution.
Mes chers collègues, chacun peut porter un jugement détaillé sur le train de mesures annoncé hier soir par le Président de la République. Elles sont désormais dans le champ du débat démocratique. Nous n'avons d'ailleurs pas perdu de temps en débattant tout à l'heure de la prime d'activité. D'autres discussions arriveront très vite. Le groupe du RDSE va se prononcer au vu de tous ces éléments.
Bien entendu, nous avons obtenu le vote d'un certain nombre de nos propositions, parmi lesquelles la suppression de l'abattement des journalistes les mieux payés, c'est-à-dire ceux qui touchent plus de 6 000 euros par mois, la redevance des concessions hydroélectriques, la réduction de la TVA des produits hygiéniques pour nourrissons et personnes âgées, le refinancement du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, la trésorerie des sociétés coopératives et participatives, ou SCOP, ou l'encouragement aux filières de biocarburants.
Mais la grande majorité d'entre nous ne pourra pas approuver une loi de finances amputée des crédits de sept missions. De plus, le budget dont nous discutons est obsolète avant même son vote, étant donné les annonces du Président de la République.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui ! Ce n'est pas moi qui le dis !
M. Jean-Claude Requier. C'est pourquoi la très grande majorité de mon groupe s'abstiendra, quand quelques-uns s'opposeront au texte, et un le votera. C'est cela, la liberté de vote au sein du RDSE ! (Exclamations amusées.) Je sais que certains ici nous l'envient secrètement ! (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Nouvelles exclamations amusées sur les autres travées.)
Nous ne pouvons pas non plus poursuivre nos débats sans souligner que le vote d'un budget est au fondement de notre démocratie représentative. Historiquement et philosophiquement, c'est bien par l'acceptation de la levée de l'impôt qu'est née la notion même de Parlement.
Or le consentement à l'impôt est aujourd'hui malmené, voire remis en cause par certains de nos concitoyens, au point de violemment mettre sous tension notre unité nationale. Mon groupe, qui revendique fièrement l'héritage de Georges Clemenceau ou de Joseph Caillaux, ne peut évidemment accepter de telles dérives.
Nous subissons aujourd'hui les effets de décennies de technicité, d'opacité, de mitage fiscal par la multiplication des niches, au point de rendre notre système incompréhensible, donc inacceptable. Le signal que nous adressent nos compatriotes est aussi qu'il n'est plus possible de continuer dans cette impasse.
Revenons donc à la signification profonde de l'impôt, celle de l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : une « contribution commune […] également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ». Redonnons de la lisibilité et de la simplicité à notre édifice fiscal, de sorte que nos concitoyens comprennent les efforts qui leur sont demandés et prennent conscience qu'ils participent collectivement à la vie de la Nation. Et arrêtons avec une fiscalité vécue comme punitive et socialement injuste !
L'impôt doit redevenir l'outil de citoyenneté qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être. Il est temps que ceux qui concourent à l'élaboration de l'action publique en prennent la mesure, afin que notre démocratie s'adapte, à la vitesse qui est la sienne, aux évolutions de notre société et reste à l'écoute des Français et essaye de les réconcilier avec l'impôt. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe Union Centriste.)
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