Projet de loi de finances pour 2021 - agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
M. Henri Cabanel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, parce que l'agriculture a démontré une certaine résilience en garantissant le bon déroulement de la chaîne alimentaire durant le premier confinement, nous pourrions avoir le sentiment qu'elle a moins souffert des conséquences de la crise sanitaire.
Ce serait occulter les difficultés de certaines filières. Pour des raisons différentes, l'horticulture, la production de pommes de terre ou encore la viticulture ont été très touchées. Et je n'oublie pas les aléas habituels : le rendement des céréales, frappées cette année par une longue sécheresse, a baissé de 26 %.
Dans ces conditions, le budget est-il à la hauteur des enjeux ? Globalement, on peut regretter un budget peu dynamique, alors que l'agriculture doit amplifier sa transition écologique, en plus d'éponger les conséquences de la crise sanitaire.
Sans le plan de relance, le Fonds Avenir Bio est simplement reconduit pour 2021, alors que l'on observe un léger décrochage dans le cadre de l'objectif de 15 % de surfaces agricoles cultivées selon un mode biologique d'ici à 2022.
Par ailleurs, les crédits relatifs à la pêche sont stables, alors que le Brexit risque de peser sur l'activité des pêcheurs français.
Les crédits de la mission « Plan de relance », à hauteur de 390 millions d'euros en crédits de paiement, viennent en renfort, mais sans que l'on sache comment ces moyens, sous tutelle du ministère des comptes publics, s'articuleront avec ceux du ministère de l'agriculture.
Il est également regrettable que le Casdar voie ses moyens amputés de 10 millions d'euros, pour atteindre 126 millions d'euros.
Le groupe RDSE a déposé un amendement visant à revenir sur la baisse de la recette estimative de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles, afin d'augmenter le plafond de dépenses du compte d'un peu plus de 12 millions d'euros.
Le Casdar doit avoir les moyens de sa politique, définie par le Programme national pour le développement agricole et rural. Il fixe notamment l'objectif de conforter le développement et la diffusion de systèmes de diffusion innovants et performants, du point de vue économique, environnemental, sanitaire et social. Il met en particulier l'accent sur les thèmes du développement des circuits courts ou encore la gestion intégrée de la santé animale et végétale. Ces thèmes répondent à des attentes sociétales fortes.
Aussi la baisse des crédits du Casdar est-elle un mauvais signal pour ceux qui ont la charge d'encourager la diffusion des systèmes de production innovants, à savoir les agriculteurs, les chambres d'agriculture, les instituts techniques agricoles et les organismes nationaux à vocation agricole et rurale.
Je salue en revanche l'effort financier réalisé en direction des projets alimentaires territoriaux (PAT), avec une dotation de 80 millions d'euros sur deux ans. Depuis leur création en 2014, les PAT peinent à se multiplier. Alors qu'un objectif de 500 PAT a été fixé pour 2020, nous avons atteint moins de la moitié de ce chiffre !
La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite Égalim, oblige la restauration collective à servir des produits de qualité à hauteur de 50 %, dont 20 % doivent être issus de l'agriculture biologique, d'ici au 1er janvier 2022.
Les PAT participent à l'ancrage territorial de la restauration. Il faut donc les encourager, d'autant qu'ils sont consensuels. Si leur décollage est lent, sans doute convient-il de s'interroger sur leur technicité et flécher une partie des moyens sur leur promotion. Cela implique une simplification et une prise de conscience des élus locaux, sans lesquels rien ne pourra se faire.
J'en viens à la gestion des risques agricoles. La réserve pour aléas, portée à 190 millions d'euros pour 2021, risque, une nouvelle fois, de ne pas être à la hauteur des besoins. Cet été, pour répondre aux périodes de sécheresse qui se sont multipliées ainsi qu'aux charges liées aux apurements communautaires, le Fonds national de gestion des risques en agriculture s'est retrouvé sous-doté d'au moins 50 millions d'euros. Avec une augmentation de seulement 15 millions d'euros, on s'oriente vers le même problème, au regard d'aléas climatiques répétitifs.
Monsieur le ministre, je suis heureux que vous m'ayez confirmé votre volonté de travailler sur ce sujet primordial pour la pérennité de notre agriculture.
Je termine en évoquant le budget consacré à l'enseignement technique agricole, lequel a fait l'objet d'un avis défavorable de notre collègue Nathalie Delattre, rapporteure pour avis de la mission « Enseignement scolaire » examinée samedi dernier.
Nous avons abondé ce budget de 21 millions d'euros et j'espère que le Gouvernement lèvera le gage, monsieur le ministre. Il y a urgence à soutenir une quarantaine d'établissements en difficulté, qu'une augmentation de 0,5 % des moyens dans le projet de loi de finances pour 2021 ne suffira pas à sortir d'affaire.
Globalement, ce budget n'est pas assez audacieux. Il ne reflète pas suffisamment l'engagement de nos agriculteurs dans un nouveau mode de production, dans la révolution qui se dessine d'une agriculture durable.
Mon groupe ne votera pas ce budget, même si je sais que vous avez conscience des enjeux, monsieur le ministre. Derrière les chiffres, il y a des femmes et des hommes qui se battent au quotidien, simplement pour gagner leur vie et nous nourrir. Nos paysans souffrent. Certains préfèrent mettre fin à leur vie, car les obstacles sont trop grands. On déplore plus de deux suicides par jour, nous ne pouvons pas les oublier. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mme le rapporteur pour avis applaudit également.)
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