Projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales
M. Jean-Claude Requier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s'est saisie pour avis non pas de l'ensemble du texte, mais seulement des dispositions relevant de son champ de compétences, à savoir les articles 1er, 2, 4, 7, 8, 9, 11 et 13.
Annoncé depuis 2018, ce projet de loi constitue un rendez-vous législatif très attendu, bien que repoussé à de nombreuses reprises. Michel Canévet et moi-même, en tant que corapporteurs spéciaux de ce budget pour la commission des finances, l'avions même désigné comme « l'Arlésienne » lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021.
Tout d'abord, je tiens à rappeler le constat unanime selon lequel l'intérêt budgétaire de ce texte est très limité. En effet, la trajectoire financière proposée par l'article 1er se contente essentiellement d'entériner les moyens déjà validés par le Parlement.
Ainsi, l'évolution pluriannuelle des crédits de paiement de la mission « Aide publique au développement » prévue par le texte transmis au Sénat commence en 2020 et s'achève en 2022. Cette disposition s'apparente à une transmission avec quelques mois d'avance du projet de loi de finances pour 2022. Aucun des arguments avancés ne justifie cette lacune du texte, d'autant que nous avons adopté récemment la loi de programmation pour la recherche, qui prévoit une trajectoire jusqu'en 2030, ou encore un programme de stabilité jusqu'en 2027.
Afin que nous examinions une réelle « loi de programmation », nos deux commissions ont proposé de prolonger la trajectoire des crédits de la mission jusqu'en 2025, en prévoyant une clause de revoyure à mi-parcours. La commission des finances a souhaité proposer une trajectoire visant un double objectif : d'une part, consolider la progression de notre aide publique au développement (APD) pour éviter un nouveau décrochage avec les autres pays développés ; d'autre part, prévoir une trajectoire crédible et soutenable, compte tenu des contraintes pesant sur nos finances publiques actuellement.
Mes chers collègues, je sais que plusieurs autres amendements, tendant à prévoir des hausses plus importantes, ont été déposés. De mon côté, je reste très attaché à l'objectif d'une préservation des moyens de l'APD, mais aussi à la sincérité de la programmation de nos finances publiques.
Je vous proposerai, au nom de la commission des finances, un amendement en ce sens, visant à prévoir une hausse annuelle des crédits de 500 millions d'euros après 2022.
Initialement, la commission des affaires étrangères a adopté une position différente lors de l'examen du texte. Toutefois, je crois sincèrement qu'un compromis est possible sur ce sujet, et je remercie les rapporteurs des affaires étrangères, nos collègues Hugues Saury et Rachid Temal, pour le dialogue constructif que nous avons eu, afin de bâtir une position commune.
Par ailleurs, le texte adopté par la commission des affaires étrangères intègre déjà plusieurs amendements sur l'initiative de la commission des finances.
Outre des amendements visant à améliorer la rédaction du texte, la commission des affaires étrangères a adopté un amendement visant à préciser les modalités de restitution des biens mal acquis. Je remercie à ce titre notre collègue Jean-Pierre Sueur pour les travaux menés sur ce sujet.
La commission a également adopté un amendement prévoyant d'avancer la date de remise du rapport annuel, afin que nous puissions disposer de ces informations lors de l'examen de la loi de règlement. Les rapporteurs de la commission des affaires étrangères et moi-même avons également proposé des amendements identiques visant à mettre les dispositions du texte relatives à la nomination des parlementaires au sein des conseils d'administration de l'AFD, d'Expertise France et du Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) en cohérence avec la loi de 2018 sur le sujet.
La commission des affaires étrangères a également adopté l'amendement de la commission des finances visant à étoffer l'information du Parlement sur le besoin pluriannuel en fonds propres de l'AFD. En effet, nous devrions être prochainement amenés à nous prononcer sur la question, compte tenu du fait que la recapitalisation prévue par la dernière loi de finances pourrait se révéler insuffisante pour couvrir les besoins en fonds propres de l'Agence dans les prochaines années.
Enfin, la commission des affaires étrangères a adopté sur notre initiative un amendement tendant à recentrer les missions de la commission d'évaluation indépendante sur les aides et projets concrets de l'aide publique au développement. Il s'agit de bien séparer sa mission de celle qui est dévolue au Parlement par la Constitution en matière d'évaluation des politiques publiques.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, outre la proposition portant sur la trajectoire, et d'autres amendements rédactionnels ou de coordination, la commission des finances a décidé de vous soumettre deux autres amendements complémentaires. Ils portent respectivement sur la trajectoire des moyens humains de l'État dédiés à la politique de développement et sur la possibilité de débattre en séance publique du rapport annuel prévu à l'article 2. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, sur des travées des groupes RDPI et SER, ainsi qu'au banc des commissions. – MM. Pascal Allizard et Antoine Lefèvre applaudissent également.)
Mme le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « 25 ans après la Conférence mondiale de l'ONU sur les femmes à Pékin : où en sont les droits des femmes ? » : telle est la question que se posait la délégation aux droits des femmes, il y a un peu plus d'un an, le 5 mars 2020, à l'occasion d'un colloque organisé pour le vingt-cinquième anniversaire de la Conférence mondiale de Pékin.
Si le constat que nous dressions à l'époque était déjà pessimiste sur la réalité de l'avancée des droits des femmes dans certains pays, nous étions encore loin du compte.
En effet, la pandémie de covid-19 a exacerbé, à travers le monde, les inégalités et les violences de genre déjà à l'œuvre avant le début de cette crise sanitaire, économique et sociale. Ainsi, ONU Femmes estime qu'elle pourrait avoir effacé, en une année seulement, les vingt-cinq ans de progrès réalisés en matière d'égalité entre les femmes et les hommes depuis la Conférence mondiale de Pékin.
Quelques chiffres me semblent assez marquants pour illustrer le chemin qu'il reste à parcourir : les femmes gagnent encore 20 % de moins que les hommes et elles représentent 70 % des 1,2 milliard de personnes vivant avec moins de un dollar par jour ; deux tiers des adultes analphabètes sont des femmes et, encore aujourd'hui, plus de 130 millions de filles âgées de 6 à 17 ans ne vont pas à l'école ; des millions de filles et de femmes sont victimes de violences, de mariages forcés, de mutilations génitales et chaque trimestre de confinement, à l'échelle internationale, engendrerait 15 millions de cas supplémentaires de femmes et de filles exposées aux violences basées sur le genre.
Notre délégation travaille depuis de nombreuses années sur les droits des femmes et des filles dans le monde. Tous nos travaux nous ont confortés dans cette conviction : l'égalité des sexes et l'autonomisation économique et sociale des femmes constituent le socle essentiel d'un développement durable dans tous les pays en voie de développement.
C'est pourquoi il nous paraît essentiel, aujourd'hui, d'orienter au mieux le financement de l'aide publique au développement vers des projets favorables au renforcement des droits des femmes et à l'égalité de genre. En la matière, la France soutient de longue date les engagements internationaux conclus, dans le cadre de l'ONU notamment, en faveur des droits des femmes, engagements qu'elle défend à l'échelle internationale dans ses relations bilatérales comme dans les enceintes multilatérales.
À cet égard, je citerai l'Agenda 2030 pour le développement durable, adopté par les 193 membres de l'ONU en 2015, qui fixe 17 objectifs de développement durable (ODD), parmi lesquels l'ODD 5 qui vise à « parvenir à l'égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ».
La France souscrit également aux critères de marquage « genre » des projets de développement, définis par le Comité d'aide au développement de l'OCDE.
D'importantes avancées sont intervenues récemment pour mieux orienter les financements de la politique de développement vers des projets favorables à l'égalité entre les femmes et les hommes. Pour autant, nous devons rester vigilants sur la mise en œuvre de cette politique comme sur les moyens, humains et financiers, qui lui sont alloués.
C'est dans ce contexte qu'intervient l'examen par notre assemblée du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Du point de vue de l'intégration du genre comme priorité de la solidarité internationale, on peut se féliciter du travail accompli par nos collègues députés lors de l'examen du texte. Ils ont en effet inséré dans le projet de loi un nouvel article 1er A, qui inscrit directement dans la loi les grands objectifs de la politique de développement.
Cet article précise notamment que, dans le cadre de la diplomatie féministe de la France, la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales a pour objectif transversal la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Dans son rapport intitulé L'égalité femmes-hommes, un enjeu fondamental de solidarité internationale, adopté la semaine dernière, la délégation aux droits des femmes a formulé neuf recommandations permettant de mieux intégrer l'égalité de genre au sein de notre politique d'aide publique au développement, de sa conception à sa mise en œuvre sur le terrain. Nous estimons que, si ces recommandations sont appliquées, elles permettront à la France de se donner les moyens de ses ambitions en matière de diplomatie féministe. Nous avons déposé des amendements en ce sens.
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