Projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne bis
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pendant trente-sept ans, j’ai été avocat, et j’ai rarement connu des divorces heureux ; en la matière, il est donc sage de se préparer au pire, pour éviter de le subir.
En l’occurrence, nous voyons les conséquences d’un référendum dans une démocratie considérée, à juste titre, comme exemplaire depuis des siècles. Toutefois, à mon sens, il n’est pas opportun de jeter systématiquement l’opprobre sur les populistes britanniques : nous avons les mêmes chez nous – ils sont peut-être encore pires –,…
M. Jean Bizet. En effet !
M. Jacques Mézard. … et, pour ce qui nous concerne, nous devrions d’ailleurs tirer les conséquences de ce qui se passe de l’autre côté de la Manche.
Les précédents orateurs l’ont rappelé : le Parlement britannique a rejeté, mardi dernier, l’accord proposé par le Premier ministre Theresa May. Ce texte était le résultat du très bon travail accompli par M. Barnier, qui – plusieurs l’ont rappelé ici – a su maintenir l’unité de tous les autres pays européens ; il s’agissait là d’une opération très difficile. (M. le rapporteur acquiesce.)
Il faut être parfaitement clair : dans les prochains débats que nous consacrerons à cette affaire, la réciprocité ne sera pas négociable.
Au cours de son histoire, notre groupe a toujours été attaché à la construction européenne, et il ne peut voir, dans ce qui se passe, que beaucoup de dégâts, résultant de beaucoup d’irresponsabilité.
Nos deux pays ont construit un tunnel, surtout payé, d’ailleurs, par les petits actionnaires français, par lequel nous espérions arrimer la Grande-Bretagne au continent, dans le respect de sa différence. Mais, aujourd’hui, c’est un mur que l’on est en train d’ériger, et un Brexit dur serait une catastrophe pour tout le monde, pour l’Europe comme pour la Grande-Bretagne.
C’est ainsi ; et, j’y insiste, cette situation doit nous conduire à réfléchir.
Nous devons considérer à la fois les problèmes de nos concitoyens français vivant en Grande-Bretagne et ceux des Britanniques présents sur notre sol, lesquels sont, sauf exception, nos amis. Ce qui se passe est extrêmement grave.
Madame la ministre, vous avez beaucoup travaillé en amont ; le Parlement aussi, tout particulièrement le Sénat. Et, par les temps qui courent, il m’est agréable de rappeler l’utilité du Sénat ; dans une belle démocratie, il est, de toute évidence, impossible de se passer du bicamérisme.
M. Jean Bizet. Très juste !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il est bien de le rappeler !
M. Jacques Mézard. Bien sûr, les élus de notre groupe voteront le présent texte.
Mes chers collègues, nous n’avons jamais été de grands partisans des ordonnances – j’ai eu l’occasion de le rappeler. Certes, en tant que ministre, j’ai dû y recourir, mais vous savez que je l’ai fait avec douceur, et en les réduisant au minimum. Cela étant, en la matière, il était pratiquement impossible de faire autrement.
Nous souhaitons bien évidemment que le Parlement, et le Sénat en particulier, puisse continuer à vous apporter sa réflexion et ses propositions, madame la ministre ; cela nous paraît indispensable.
J’avais eu l’occasion de dire sous le précédent quinquennat, lors des premiers débats sur le Brexit, combien il était important aussi de rappeler les liens que nous avons avec la Grande-Bretagne et de ne rien faire, de notre côté, qui puisse accentuer la fracture, tout en étant très fermes sur les conditions de négociation.
Il ne faut jamais oublier que des Grands-Bretons, comme nous disons, ont beaucoup fait pour notre pays dans les heures les plus sombres. Je ne puis ainsi jamais parler du Brexit sans avoir une pensée pour Winston Churchill, qui a tant fait pour préserver la France, même si son regard portait plutôt vers l’Amérique.
Ne l’oublions pas, et essayons de faire en sorte – je sais que telle est votre conviction, madame la ministre – que la fermeté dans la discussion soit accompagnée du respect de l’histoire. Il est nécessaire de se dire que, malgré toutes ces difficultés, nous pourrons un jour reprendre un dialogue constructif. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
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