Projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d'autres mesures urgentes ainsi qu'au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la France gouvernée par une assemblée unique, c'est l'océan gouverné par l'ouragan », écrivait Victor Hugo.
M. Loïc Hervé. Excellent !
M. Jean-Claude Requier. Véritable gage de démocratie, le bicamérisme garantit l'existence d'une authentique discussion législative, qui privilégie l'esprit de sagesse et concourt à la qualité de la loi.
Le présent texte en est la parfaite illustration : la rédaction adoptée en commission mixte paritaire est assez éloignée de celle présentée en conseil des ministres, notamment par le nombre de ses articles et celui des habilitations à légiférer par ordonnance.
Particulièrement attaché au débat parlementaire, comme nous tous, je me félicite que nos deux assemblées se soient entendues pour permettre au Parlement de conserver ses prérogatives de législateur en limitant fortement les habilitations aux seuls cas où elles sont indispensables. Nous sommes ainsi passés de quarante habilitations à dix…
La crise sanitaire que notre pays traverse est d'une ampleur inédite, et son impact sur notre économie sera considérable. Selon les dernières prévisions de la Banque mondiale, publiées avant-hier, le PIB mondial devrait se contracter de 5,2 % en 2020 ; et c'est dans la zone euro que le recul sera le plus marqué. Hier, la Banque de France a annoncé une récession d'environ 10 % cette année et estimé que le taux de chômage atteindrait plus de 10 % à la fin de 2020, pour s'envoler à 11,5 % l'année prochaine. Les effets de la pandémie devraient se faire sentir pendant deux ans.
Aussi, mettre en place les moyens d'affronter cette crise sans précédent et apporter des réponses concrètes à nos concitoyens relève d'une impérieuse nécessité.
Pour répondre à ces enjeux, sénateurs et députés de la commission mixte paritaire ont travaillé en bonne intelligence, dans l'intérêt des Français, ce qui a permis d'aboutir à un compromis. Les sujets de désaccord étaient nombreux, mais l'échec annoncé de la commission mixte paritaire n'a finalement pas eu lieu, ce dont nous nous félicitons.
Pourtant, les conditions dans lesquelles nous avons eu à examiner ce texte en première lecture étaient pour le moins compliquées, comme l'avait souligné notre collègue Josiane Costes : des délais particulièrement contraints et un texte extrêmement dense, abordant des domaines très nombreux et aussi différents que le Brexit, les fédérations sportives, les titres restaurant et l'activité partielle – sans oublier une séance qui s'est terminée, ici même, à trois heures quarante du matin…
Dans ce contexte, plusieurs dispositions vont dans le bon sens. Je pense notamment au nouveau dispositif d'activité réduite pour le maintien en emploi, qui permettra d'accompagner les entreprises durablement affectées par la situation sanitaire et économique. Les entreprises confrontées à une activité encore réduite pourront ainsi, en accord avec les syndicats, diminuer le temps de travail ou les salaires, à condition de maintenir totalement l'emploi. Une aide de l'État compensera une partie de la perte de pouvoir d'achat.
Nous saluons également la prolongation des titres de séjour, le maintien des garanties de protection sociale complémentaire, l'ouverture des droits à la retraite des salariés placés en activité partielle et la dérogation aux règles de cumul emploi-retraite pour les soignants, ainsi que l'intéressement dans les entreprises de moins de onze salariés.
Enfin, nous nous félicitons que la commission mixte paritaire ait retenu certains apports de la Haute Assemblée, comme la meilleure gestion des fonds de commerce pour les entreprises en difficulté, l'allongement d'expérimentations pour favoriser l'insertion des agents handicapés dans la fonction publique et le report de la caducité des règlements locaux de publicité.
Pour autant, le texte élaboré en commission mixte paritaire ne nous satisfait pas pleinement.
Nous regrettons notamment le rétablissement de l'article 3, relatif à la centralisation des trésoreries, supprimé par notre assemblée unanime, sur l'initiative de la commission des finances – même si la durée et le champ de l'habilitation ont été réduits.
Surtout, nous déplorons l'extension de l'expérimentation des cours criminelles. De neuf départements, le Gouvernement nous proposait de passer à trente ! En première lecture, nous avons rejeté cette extension, mais la commission mixte paritaire a transigé à dix-huit, ce qui nous semble toujours excessif. Alors que ces cours ont été mises en place voilà à peine un an, nous n'avons pas assez de recul pour savoir si les affaires sont bien jugées. Dès lors, l'extension envisagée nous paraît bien prématurée. Il ne faudrait pas qu'elle serve seulement un objectif de gestion des stocks de procédures criminelles, comme le redoute la Commission nationale consultative des droits de l'homme.
Pour toutes ces raisons, la majorité des membres de notre groupe s'abstiendra dans un esprit positif sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
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