Projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Arnell.
M. Guillaume Arnell. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, depuis une dizaine d'années, de nombreux textes relatifs à notre système de santé ont été examinés par le Parlement. Tous sans exception ont dressé un diagnostic extrêmement précis et pertinent de la situation.
Je pense notamment à la loi Hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009 ou, plus récemment, à la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. Le bilan dressé voilà dix ans est malheureusement toujours d'actualité. Il faut bien le reconnaître, aucune de ces grandes lois n'a réussi à réformer en profondeur l'organisation de la santé dans notre pays, si bien que, trois ans après la loi Touraine, vous nous proposez, madame la ministre, un nouveau texte.
En effet, si notre système de santé est depuis longtemps reconnu pour être globalement performant et efficace, par rapport à ce qui existe chez nos voisins, il se heurte à de nombreuses difficultés et doit plus que jamais s'adapter aux enjeux actuels. Vous l'avez rappelé : « Nous sommes confrontés à un système trop cloisonné – entre ville, hôpital, médico-social, ou entre public et privé, entre professionnels de santé eux-mêmes – mettant insuffisamment en valeur la fluidité des parcours, la coordination entre professionnels, la qualité et la prévention. »
Par ailleurs, l'accès aux soins s'est complexifié en raison notamment de la métropolisation et de l'évolution des mentalités. Les jeunes médecins ne veulent plus exercer leur métier de la même manière que leurs prédécesseurs. Ils veulent plus de liberté et plus de loisirs, et souhaitent trouver un équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le médecin généraliste, c'était autrefois un homme et sa femme, qui était son assistante ; c'était un projet de couple. Aujourd'hui, les médecins doivent prendre en compte, dans le choix de leur lieu d'exercice, les possibilités d'emploi offertes à leur conjoint, ce qui rend difficile l'installation dans certaines zones. Le système doit donc nécessairement prendre en considération ces nouvelles pratiques.
Aussi, madame la ministre, deux questions s'imposent tout naturellement aujourd'hui : comment le texte que vous nous présentez pourra-t-il corriger les insuffisances des précédentes lois et quelles voies nouvelles explore-t-il ?
Nous le savons bien, une réforme d'envergure ne peut se faire sans la mobilisation de moyens humains et financiers correspondants. Nous ne pouvons que le regretter, ce projet de loi n'aborde pas cette question pourtant essentielle. Nous attendons avec impatience l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
Nous déplorons également que plusieurs modifications législatives prennent la forme d'habilitations à légiférer par voie d'ordonnances. Madame la ministre, vous connaissez l'attachement du Sénat, et tout particulièrement du RDSE, au débat parlementaire ! J'ai déjà eu l'occasion de le dire dans cet hémicycle : les ordonnances constituent une forme de législation déléguée qui affaiblit le rôle du Parlement. Et, dans le climat actuel de défiance à l'égard de nos institutions, un tel affaiblissement n'est pas souhaitable.
Certes, lors de votre audition, vous vous êtes engagée à venir présenter chacune des ordonnances devant notre commission et à réaliser une étude d'impact. Mais, en définitive, vous nous privez de participer à l'écriture de dispositions importantes.
Pour autant, ce texte comporte de nombreuses avancées que nous tenons à saluer.
Je pense évidemment à la réforme des études médicales, et notamment à la suppression, attendue par tous, du numerus clausus, même si nous savons que le nombre d'étudiants admis en deuxième année dépendra en partie des capacités d'accueil des universités. Celles-ci auront-elles les moyens de former les 20 % supplémentaires de praticiens que vous escomptez ?
Vous supprimez également la PACES, qui favorise le bachotage et déshumanise les étudiants, ainsi que les épreuves classantes nationales. C'est une très bonne chose.
Les mesures proposées permettront par ailleurs de privilégier la diversité des profils et de prendre en compte, outre les connaissances des étudiants, leurs expériences et leur projet professionnel.
Nous approuvons également la réforme du statut de praticien hospitalier, même si celle-ci relève, là encore, d'une ordonnance. Je me félicite toutefois de la précision apportée par notre président-rapporteur quant à l'encadrement des écarts de rémunération entre les personnels titulaires et les personnels contractuels. Un tel encadrement permettra peut-être de mieux lutter contre le recours à l'intérim médical, sujet sur lequel je vous sais, madame la ministre, particulièrement impliquée.
S'agissant du volet relatif à l'organisation territoriale de la santé, nous saluons l'instauration du projet territorial de santé, qui devrait permettre une véritable coopération entre les professionnels de ville, l'hôpital et le secteur médico-social, et une meilleure coordination de l'offre de soins.
Nous sommes en revanche plus circonspects au sujet des hôpitaux de proximité, conçus comme le pivot de l'offre de soins sur les territoires. Il est en effet regrettable que le projet de loi, sur un sujet aussi sensible, renvoie en grande partie à une ordonnance, d'autant que, dans nos territoires, l'inquiétude est grande. Ces hôpitaux devront renoncer à leurs plateaux techniques, ce qui signifie la fin de la chirurgie et de l'obstétrique. Or, notamment, la fermeture de services de maternité dans certaines zones rurales risquerait d'aggraver la désertification médicale et l'absence d'attractivité de ces territoires, qui sont les plus isolés.
Madame la ministre, vous avez déclaré que votre priorité était de tout faire pour répondre à l'angoisse de la désertification médicale, dont il faut rappeler qu'elle ne concerne pas uniquement le milieu rural. Plusieurs mesures vont dans ce sens : outre la « suppression » du numerus clausus, vous prévoyez notamment d'étendre le dispositif de médecin adjoint aux zones sous-denses et d'attribuer de nouvelles tâches aux pharmaciens, aux infirmiers et aux sages-femmes.
Si ces mesures sont satisfaisantes, certains sénateurs du RDSE déplorent l'absence de mesures permettant la régulation de l'installation des médecins dans les territoires. Nous craignons en effet que la seule incitation financière à l'installation de jeunes médecins ne suffise pas à résoudre le problème de la désertification médicale.
S'agissant enfin des PADHUE, la clarification des règles va dans le bon sens. Néanmoins, de par leur positionnement géographique, certains territoires de la République doivent pouvoir facilement recruter des professionnels ressortissants de pays voisins. Tel est l'objet de l'article 21 bis, qui étend à la Guadeloupe et à la Martinique un dispositif existant déjà en Guyane. J'ai d'ailleurs déposé un amendement dont l'objet est son extension à mon territoire, Saint-Martin.
Madame la ministre, le monde médical et nos concitoyens attendent beaucoup de ce projet de loi. J'espère que nos débats permettront de répondre à leurs aspirations. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Élisabeth Doineau, M. Jean-François Longeot, rapporteur pour avis, et M. Franck Menonville applaudissent également.)
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