Projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la commission spéciale, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans la discussion générale, j'avais fait part de l'accueil favorable de ce texte par le groupe du RDSE, avec, bien sûr, quelques réserves, et en espérant que des améliorations et des enrichissements puissent être apportés par notre assemblée.
L'une des difficultés rencontrées portait sur le champ extrêmement large de ce texte, ce qui a pu nuire à l'identification d'une ligne directrice claire. À mon sens, la cession des participations publiques et la gouvernance des grands groupes publics comme la Caisse des dépôts et consignations et La Poste auraient pu faire l'objet d'un texte distinct ; cela aurait été plus clair et plus cohérent.
Sur l'ensemble, on ne pouvait que se féliciter des objectifs annoncés de transformation économique avec plus de liberté, de simplicité et d'efficacité pour les entreprises et les entrepreneurs.
Finalement, le texte qui nous est proposé aujourd'hui répond-il à ces objectifs et a-t-il été vraiment amélioré pendant ces deux semaines de débat ? Permettez-moi d'en douter.
Si le Sénat, par le texte adopté par sa commission spéciale ou par la voie d'amendements, a apporté un certain nombre de précisions utiles et d'enrichissements pertinents, ceux-ci concernent principalement des aspects techniques et ne portent pas sur l'essentiel.
Il est impossible de balayer l'ensemble des thèmes abordés. Je n'évoquerai donc que ceux qui ont le plus animé les débats.
En premier lieu, la cession et la modification du régime juridique d'Aéroports de Paris, approuvées avec un encadrement plus strict par la commission spéciale – je lui rends d'ailleurs hommage, parce que son travail était difficile –, ont finalement été rejetées par la majorité de notre assemblée, avec, au passage, quelques moments de flottement durant le débat, reconnaissons-le.
M. Jean-Claude Requier. C'est vrai !
M. Jean-Marc Gabouty. Si la concession de soixante-dix ans pouvait paraître un peu longue – monsieur le ministre, nous ne serons certainement pas là pour en constater tous les effets –,…
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. C'est probable ! (Sourires sur plusieurs travées.)
M. Jean-Marc Gabouty. … le Sénat s'est sans doute privé de pouvoir peser sur le texte final, car cette position ôte à la commission mixte paritaire toute possibilité d'aboutir à des conclusions.
M. Richard Yung. Tout à fait !
M. Jean-Marc Gabouty. La privatisation de La Française des jeux ayant été évacuée d'emblée par la commission spéciale, le Gouvernement devra se consoler avec la seule validation du retrait de l'État d'Engie. Tout cela est-il cohérent ? Je n'en suis pas certain.
Nous pouvons tout de même nous retrouver sur l'exonération du loto du patrimoine de tout prélèvement ou contribution, ce qui devrait réjouir tout le monde.
M. Jean-François Husson, rapporteur. Sauf l'État…
M. Jean-Marc Gabouty. J'espère en tout cas que le Gouvernement acceptera cette disposition !
En ce qui concerne les chambres de métiers et de l'artisanat, l'acceptation d'une seule structure régionale a été obtenue à la suite d'un débat quelque peu confus, et je ne suis pas certain que le vote ait vraiment reflété la position de la majorité des sénateurs présents ce soir-là.
M. Jean-Claude Requier. Absolument !
M. Jean-Marc Gabouty. Toutefois, cette évolution, comme c'est le cas pour de nombreuses autres structures économiques, professionnelles, administratives, associatives, sportives ou culturelles, s'inscrit dans une tendance lourde de centralisation des pouvoirs et des moyens financiers à l'échelon de la région. C'est une conséquence de la loi NOTRe, même si le processus était déjà engagé auparavant.
C'est une voie qui va continuer d'affaiblir les territoires périphériques, notamment ruraux, sans nécessairement gagner en efficacité. À mon sens, c'est tout l'inverse d'une politique de décentralisation et de proximité.
Le troisième thème de ce texte, « Des entreprises plus justes », contient des mesures très positives concernant l'épargne salariale et l'actionnariat des salariés avec un apport significatif du Sénat.
Je ne ferai que regretter le rejet d'un amendement visant à élargir le champ d'application de l'intéressement obligatoire à toutes les entreprises de plus de dix salariés. Je suis persuadé qu'un jour cette mesure s'imposera d'elle-même, mais le Gouvernement et le Sénat se refusent pour l'instant à aller plus vite dans ce domaine, sachant pourtant que la méthode incitative n'aura que des effets limités sur le nombre de salariés bénéficiaires de ce dispositif. Je suis prêt à prendre le pari qu'une telle mesure sera prise dans les deux ou trois ans à venir.
Enfin, dernier point chaud, si je puis m'exprimer ainsi, le relèvement du seuil de 50 à 100 salariés. C'était une mesure emblématique, apparemment séduisante pour les entreprises et à laquelle je pourrais a priori souscrire.
Même si ce n'est qu'un affichage, dont les auteurs savent qu'il n'a que peu de chances d'être retenu à l'Assemblée nationale, cette disposition contient quelques effets pervers qui, me semble-t-il, ont été sous-estimés.
Cette mesure est finalement assez discutable, car elle se justifie moins du fait de la fusion des instances de représentation du personnel en une seule structure depuis les ordonnances Travail. En outre, elle risque de rendre plus difficile la définition de mesures spécifiques en faveur des petites entreprises et elle supprime la garantie pour tous les salariés des entreprises de 50 à 100 salariés de bénéficier de la participation ; c'est donc une régression en termes de partage des résultats. Je ne suis pas sûr que ceux qui ont voté cette mesure ne souhaitent pas aujourd'hui que l'Assemblée nationale ne nous suive pas sur ce point…
Parmi mes regrets, je pourrais encore citer le report de 2020 à 2021 de l'application du relèvement des seuils du contrôle légal des comptes des sociétés. Cette décision n'est pas compréhensible pour les entreprises, mais il convient de reconnaître que la profession de commissaire aux comptes est bien organisée.
La majorité des membres du RDSE – groupe divers, qui respecte la liberté de vote de chacun – reste assez perplexe et estime que ce texte, qui n'a pas gagné en cohérence, montre tout à la fois un excès de conservatisme, de libéralisme et de frilosité. C'est pourquoi elle s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Julien Bargeton applaudit également.)
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